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Trousse à outils sur l'autorégulation

Fakhri Shafai, Ph.D., M.ED. | AIDE Canada
L’information contenue dans cette trousse est une adaptation d’un programme d’une durée de 8 semaines dans le cadre duquel les parents et leur enfant participent séparément à des séances hebdomadaires de 90 minutes leur permettant d’explorer des concepts d’autorégulation et de développer des compétences pour améliorer leurs réactions face au stress. La documentation du programme a été adaptée pour apporter aux familles une compréhension générale des questions liées à l’autorégulation et leur proposer des stratégies concrètes à essayer à la maison.

L’information contenue dans cette trousse est une adaptation du programme Making Mindfulness Matter (M3). Élaboré par l’une des autrices de la trousse, la Dre Karen Bax, le programme M3 consiste en un cours de 8 semaines dans le cadre duquel les parents et leur enfant participent séparément à des séances hebdomadaires de 90 minutes leur permettant d’explorer des concepts d’autorégulation et de développer des compétences pour améliorer leurs réactions face au stress. La documentation du programme a été adaptée pour apporter aux familles une compréhension générale des questions liées à l’autorégulation et leur proposer des stratégies concrètes à essayer à la maison. Pour mieux connaître le travail de la Dre Bax dans le cadre du programme M3, consultez les ressources énumérées plus loin.

Terminologie choisie

Dans cette trousse, il est question de « personnes avec un TSA» (trouble du spectre de l’autisme) ou de « personnes autistes ». Nous avons choisi ces termes d’après les recommandations de l’une des autrices de cette trousse, Elsbeth Dodman, une autiste militante, et en accord avec les directives récentes des organismes de recherche et des revues. Ces termes englobent les termes préalablement utilisés pour les personnes autistes, les personnes avec un syndrome d’Asperger ou un trouble envahissant du développement (TED).

Nous employons également les termes « autorégulation » plutôt que « régulation des émotions », car l’autorégulation ne se résume pas à la maîtrise des émotions. L’autorégulation est importante, car elle permet de contrôler tout ce qui dépasse nos émotions, comme notre comportement, nos pensées et nos actions.

 

Introduction à l’autorégulation

L’autorégulation, ou la capacité d’une personne à maîtriser son comportement et ses émotions, est un ensemble de compétences qui se développent pendant l’enfance. Parmi ces compétences se trouve la capacité de s’adapter à une situation nouvelle ou difficile. Il nous arrive tous d’avoir de la difficulté à nous contrôler, mais de nombreuses personnes avec un TSA ont régulièrement de la difficulté à maîtriser leurs émotions dans les situations de stress.

Cette trousse est conçue pour offrir aux familles une présentation des structures cérébrales liées à l’autorégulation, des ressources pour les aider à en parler avec leurs enfants, et quelques stratégies à essayer à la maison. Des ressources supplémentaires, dont un survol des options de traitement professionnel, sont fournies, ainsi que des recommandations de lecture et de sites Web.

Évelyne est une enfant de six ans qui s’épanouit dans la routine; ses parents ont beau la tenir informée du programme de la journée, lorsque les plans changent soudainement, sa poitrine se serre et elle s’inquiète. Sa difficulté à surmonter sa déception face au changement de routine l’entraîne dans une dégringolade qui se termine souvent en crise. Parce qu’Évelyne a du mal à verbaliser qu’elle est contrariée, sa famille, parfois prise au dépourvu, ne voit toujours pas venir les crises.

 

Développer des compétences en autorégulation

Les compétences en autorégulation ne viennent pas naturellement aux très jeunes gens, ce qui explique pourquoi les tout-petits ont tendance à faire des crises lorsque les choses ne se passent pas comme ils veulent (p. ex., lorsqu’ils ne peuvent pas avoir telle crème glacée à tel moment). Face à l’imprévu ou lorsque les plans changent sans préavis, les enfants qui ont des problèmes d’autorégulation peuvent entrer en crise. L’autorégulation permet de se concentrer sur une chose même si c’est difficile ; un défi, particulièrement pour un jeune enfant.

Avec le temps, de l’encadrement et de l’expérience, nos compétences en autorégulation se développent progressivement. On apprend à maîtriser nos émotions, nos comportements et notre corps face à une complication ou une déception. Il est possible d’enseigner ces compétences aux enfants pour les outiller afin qu’ils évitent d’agir sous le coup de l’impulsion ou de faire une crise lorsqu’ils sont surexcités ou submergés d’informations. Beaucoup de personnes croient que l’autorégulation est synonyme de maîtrise de soi. Or, il y a des différences considérables. La maîtrise de soi désigne généralement une personne qui contrôle ses pulsions en société (p. ex., ne pas tenir de propos offensants), alors que l’autorégulation consiste à gérer ce qui se passe à l’intérieur du corps, en présence d’autres gens ou non.

 

Le rôle de la pleine conscience

En quoi la pleine conscience est-elle une stratégie utile pour améliorer les compétences d’autorégulation? Un aspect important de la pleine conscience consiste à concentrer son attention sur ce qui se passe en ce moment. La pleine conscience incite aussi une personne à être attentive aux sensations qui se produisent dans son corps et à accueillir ses pensées sans les juger. Elle nous permet de garder une distance avec ce qui arrive à un moment précis et de choisir comment réagir. Être capable de regarder ce qui arrive sans réagir est extrêmement pratique pour acquérir des compétences d’autorégulation. En s’exerçant à la pleine conscience régulièrement, une personne peut développer le réflexe de s’autoréguler plutôt que de réagir négativement face à une situation difficile. Cette trousse contient des descriptions de la pleine conscience faciles à comprendre pour les enfants, ainsi que des exercices simples et amusants pour les aider à améliorer leurs compétences d’autorégulation.

 

L’autorégulation dans le cerveau

Quel est le lien entre le cerveau et l’autorégulation?

Les comportements sont des réponses aux signaux envoyés au corps par le cerveau. Les crises, la panique et l’agressivité sont le résultat d’un cerveau qui réagit à certains types de déclencheurs. Pour maîtriser nos comportements, nous devons d’abord comprendre d’où proviennent les signaux et comment nous pouvons les changer. Mais avant d’aborder les stratégies d’adaptation des réponses en situation difficile, commençons par décrire les structures qui composent l’autorégulation. 

 

Comment devrions-nous parler de ces concepts aux enfants?

Après avoir décrit les structures du cerveau, nous présenterons des termes adaptés aux enfants qui vous permettront de discuter de ces structures et concepts avec le vôtre. Ce vocabulaire pourra vous servir lorsque vous travaillerez à l’acquisition de compétences avec votre enfant. 

Jade, 11 ans, déteste aller chez le dentiste. Elle se sent agressée par le vrombissement aigu des outils du dentiste et la présence d’une personne penchée sur elle, particulièrement près de sa tête et de son visage. Elle comprend qu’elle doit se faire nettoyer les dents, mais lorsqu’elle prend place sur le fauteuil, elle panique. Elle cherche à s’enfuir, bousculant et frappant souvent les gens avec ses pieds sur son passage. Les parents de Jade s’inquiètent, car maintenant que leur fille est plus grande et plus forte, elle pourrait vraiment blesser quelqu’un dans ces moments.

 

Le cerveau d’en bas et le cerveau d’en haut

On peut diviser le cerveau en deux grandes parties : le cerveau d’en bas (également connu sous le nom de « cerveau reptilien ») et le cerveau d’en haut. Ces termes ont été inventés par le Dr Daniel Siegel, un expert de la biologie du stress et de l’adversité. Le cerveau d’en bas représente la fondation du cerveau. C’est la première partie qui se développe. Il comprend des aspects essentiels à la survie, comme la respiration, la modulation de la fréquence cardiaque, et l’autoprotection en cas de danger. Le cerveau d’en haut se forme beaucoup plus lentement; son développement se termine vers 25 ans. Cette région cérébrale participe au contrôle du cerveau d’en bas.

 

Structures cérébrales 

L’amygdale

L’amygdale est la partie du cerveau d’en bas qui répond aux situations inhabituelles, fortes en émotions, excitantes, pénibles, anxiogènes ou effrayantes. Sa structure s’active en présence d’émotions intenses, particulièrement si la personne a peur ou s’inquiète. L’amygdale détecte le « danger » et déclenche une réponse d’attaque, de fuite ou d’immobilisation dans les situations très stressantes. Une personne dont l’amygdale a déclenché une « attaque » peut s’en prendre violemment à autrui, physiquement ou verbalement. Dans le cas d’une « fuite », la personne peut s’enfuir ou se cacher afin d’échapper à la situation. « L’immobilisation » est une réaction qui survient lorsqu’une personne est incapable d’attaquer ou de fuir; elle est plutôt pétrifiée. Lorsque l’amygdale s’active, une personne peut ressentir des émotions comme la colère, la rage, la peur, l’inquiétude, une joie extrême ou l’excitabilité. Le corps peut répondre de différentes façons : cœur qui bat la chamade, transpiration, augmentation du rythme respiratoire, diminution de la sensibilité à la douleur, mains froides et moites, vertiges ou étourdissements, manque de concentration.

Attaque

Fuite

Immobilisation

  • Frapper/donner des coups de pied, lancer des objets
  • Crier
  • Argumenter
  • S’enfuir en courant
    Éviter une situation, se retirer
  • Se cacher ou fuguer
  • Refuser de répondre
  • Fixer, le regard vide
  • Se sentir incapable de bouger

 

L’hippocampe

L’hippocampe fait également partie du cerveau d’en bas. Il participe à la conservation et à la récupération de souvenirs. Il est particulièrement important pour les souvenirs sensoriels liés aux moments où l’amygdale a été déclenchée dans le but de protéger la personne. Possédant de nombreuses connexions à l’amygdale, il s’accroche aux souvenirs de peur, d’anxiété et de stress liés à une situation donnée. Il avertit lorsqu’il y a des signes qu’une personne se trouve peut-être dans une situation dangereuse similaire à l’un de ces souvenirs. Il détecte rapidement le danger et alerte l’amygdale pour qu’il agisse.

 

Le cortex préfrontal

Le cortex préfrontal est la partie du cerveau d’en haut qui prend le plus de temps à se développer. C’est la partie « intelligente » du cerveau : elle utilise la logique, le raisonnement, la mémoire consciente, la conscience, les renseignements détaillés et la pensée flexible. C’est la région cérébrale qui nous permet de réfléchir, d’apprendre, de comprendre une langue et de prendre des décisions. Elle participe au contrôle des pulsions du cerveau d’en bas. Malheureusement, lorsque l’amygdale s’active, le cortex préfrontal ne peut plus dompter le cerveau d’en bas aussi facilement.

 

La réponse du cerveau face au stress

Les moments stressants, notamment les situations nouvelles ou inhabituelles, peuvent déclencher l’activation de l’amygdale. Par exemple, la première fois qu’un enfant se tient sur un plongeoir est un contexte inhabituel pouvant déclencher l’amygdale. Différentes réactions sont alors possibles : le cœur bat plus vite, la respiration s’accélère ou la tête tourne. Si l’activité de l’amygdale est assez forte, l’enfant peut réagir par « l’attaque, la fuite ou l’immobilisation » : il peut partir du tremplin en courant ou figer, trop effrayé pour sauter.  Dans ce contexte, il sera difficile pour le cortex préfrontal de contrôler l’amygdale.

 

L’hippocampe conserve les souvenirs sensoriels du contexte environnant (p. ex., la hauteur du plongeoir ou l’odeur de chlore) liés à la situation stressante ayant causé la réponse. Ces souvenirs reviendront à la mémoire de la personne la prochaine fois qu’elle est exposée à la même information sensorielle, une façon de l’avertir qu’elle est peut-être en danger. Il se peut que l’amygdale réagisse alors par « l’attaque, la fuite ou l’immobilisation ». Une fois de plus, le cortex préfrontal aura de la difficulté à contrôler l’activité du cerveau d’en bas.

Apprendre à maîtriser le cerveau du bas

Le cortex préfrontal a peut-être de la difficulté à contrôler le cerveau du bas, mais avec de l’entraînement, on peut le renforcer. Et c’est possible, car le cerveau est malléable, capable de changer ses voies neuronales en fonction des expériences vécues. À la naissance, le cerveau possède des milliards de connexions entre les neurones; ce sont les cellules cérébrales. Pendant la croissance, le cerveau renforce les voies neuronales les plus fréquemment utilisées. Pour faire une analogie, imaginez que vous êtes en forêt et que vous prenez le même chemin jour après jour. Avec le temps, le petit chemin s’élargit. Plus le chemin est emprunté, plus il s’élargit pour devenir une route en gravier, une route à deux voies et éventuellement, une autoroute. Un chemin inutilisé n’est pas entretenu, la végétation l’envahit.

Les connexions dans le cerveau réagissent très semblablement à la « circulation ». Plus nous réagissons à une situation d’une certaine manière, plus notre cerveau aura tendance à emprunter le même chemin. Par exemple, si quelqu’un répond généralement à une situation stressante en criant, plus elle est susceptible de crier la prochaine fois qu’elle fera face à une situation semblable. Cette réaction renforcera les voies, dont l’amygdale; les réactions « d’attaque, de fuite ou d’immobilisation » deviendront probablement de plus en plus automatiques au fil du temps. Il n’est pas possible de se débarrasser complètement de ces voies en effaçant les connexions, mais avec de l’entraînement, nous pouvons emprunter d’autres voies : il suffit de réagir différemment, ce qui renforcera les nouvelles connexions au fil du temps.

La meilleure façon de changer nos réactions les plus négatives et automatiques face au stress (p. ex., crier) est d’appliquer des techniques servant à renforcer les connexions avec le cortex préfrontal. En travaillant régulièrement sur nos compétences d’autorégulation, nous pouvons « élargir les chemins » dans le cerveau qui permettront au cortex préfrontal, le cerveau d’en haut, de garder le contrôle sur le cerveau d’en bas face aux situations difficiles. Plus les connexions avec le cortex préfrontal sont fortes, plus il y a de chance que notre cerveau emprunte ces voies pour réguler nos pulsions et nos émotions.

 

L’autorégulation chez les personnes autistes

Comme il en a été question précédemment, l’autorégulation est une compétence qui s’acquiert à mesure que nous grandissons. Les problèmes d’autorégulation sont courants chez les personnes autistes, et plusieurs facteurs peuvent être en cause. Une crise peut survenir lorsqu’une personne est accablée par une situation. Il est parfois difficile de cerner la cause d’une crise, mais en observant bien, il est possible de cibler les déclencheurs et de mieux se préparer à faire face aux situations de stress.

Derek, un garçon de 5 ans avec un TSA, accepte difficilement les situations nouvelles. S’il n’a rien vécu ou connu de similaire, il se demande quoi faire ou à quoi s’attendre. Par exemple, à sa première journée dans sa nouvelle école, Derek a pleuré et tenté de s’enfuir de la salle de classe pour se cacher dans le corridor.

 

Traits autistiques contribuant aux problèmes d’autorégulation

Plusieurs aspects associés à l’autisme peuvent jouer un rôle dans les problèmes d’autorégulation. Par exemple, des recherches ont démontré qu’il peut être difficile pour certaines personnes autistes de comprendre qu’elles vivent une émotion forte ou les sentiments d’une personne. Les différences cognitives peuvent aussi contribuer aux problèmes d’autorégulation. De nombreuses personnes autistes manquent de flexibilité mentale : elles « ruminent » et pensent sans cesse à une situation stressante, ce qui les rend anxieuses et les empêche de trouver des solutions.

Il est possible que les différences dans les connexions cérébrales aient un rôle à jouer dans les problèmes d’autorégulation des personnes avec un TSA. En effet, des chercheurs ont découvert qu’entre l’amygdale et les autres régions du cerveau se trouvent des voies neuronales fortes et des voies neuronales faibles. Cette découverte explique peut-être pourquoi des personnes autistes ont peur dans certaines situations alors que d’autres n’y voient aucun danger, et pourquoi certaines ne semblent pas avoir peur lorsqu’elles sont vraiment en danger.  

En outre, les systèmes sensoriels traitent les informations différemment. Les personnes autistes peuvent avoir du mal à reconnaître les signaux sensoriels envoyés par leur corps, comme l’augmentation du rythme cardiaque ou une tension musculaire. Parce qu’elles sont incapables de percevoir les signaux physiques du stress, elles peinent à reconnaître leur malaise grandissant et à prévenir la crise avant qu’il ne soit trop tard. Consultez la trousse « Particularités d’intégration sensorielle » pour en savoir plus et trouver des suggestions de stratégies à essayer à la maison.

Particularités dans le traitement des émotionsParticularités dans le traitement des émotionsParticularités biologiques
  • Difficulté à déchiffrer les codes sociaux
  • Difficulté à comprendre ses propres émotions
  • Rigidité mentale, ruminement Difficulté avec le raisonnement abstrait
  • Réactivité sensorielle
  • Connexions entre les structures cérébrales

 

Crises 

Comme mentionné précédemment, les crises surviennent lorsqu’une personne se sent submergée. Bien que nous ne puissions pas toujours reconnaître qu’une crise va se produire avant qu’elle n’ait déjà commencé, il y a de bonnes et de moins bonnes façons de réagir sur le moment. On peut réduire la quantité d’informations sensorielles (p. ex., en éteindre le téléviseur), inviter subtilement la personne à utiliser des stratégies d’apaisement en donnant l’exemple (p. ex., parler lentement, respirer soi-même profondément) et parler calmement et simplement à la personne (p. ex. : « Tu as l’air contrarié. Voyons ce qu’on peut faire. »). En pleine crise, il est inutile de lui poser beaucoup de questions sur ce qui la contrarie, de chercher à établir un contact visuel ou de l’arrêter si elle a adopté un comportement apaisant et inoffensif (comme se balancer d’avant en arrière).

 

Parler du cerveau aux enfants 

Lorsqu’on parle aux enfants de structures cérébrales liées à la maîtrise des émotions, il est bon d’employer des termes faciles à comprendre. À la fin de cette trousse à outil se trouve une fiche avec des illustrations qui vous aidera à expliquer ces concepts à votre enfant. Elle comprend :

  • Le hibou savant (cortex préfrontal) : Il nous enseigne et nous aide à prendre les bonnes décisions.
  • Le chien de garde (amygdale) : Il repère le danger et « aboie » pour nous protéger. Si le chien de garde aboie fort, le hibou savant ne peut pas faire son travail.
  • Le gros hippo (hypothalamus) : Conserve, à l’image d’un énorme classeur, nos expériences en mémoire, particulièrement celles qui suscitent une émotion forte. L’hippo et le chien de garde se parlent lorsque nous avons peur ou que nous sommes inquiets.
  • Cerveau d’en bas : Il nous aide à respirer, change la vitesse des battements de notre cœur, et nous protège lorsque nous sommes en danger. Le chien de garde et le gros hippo habitent dans le cerveau d’en bas.
  • Cerveau d’en haut :  C’est la partie « intelligente » du cerveau. Elle nous permet de réfléchir et de contrôler notre corps. Le hibou savant habite dans le cerveau d’en haut. Il aide le chien de garde et le gros hippo à rester calmes.

 

Lève tes doigts : le modèle du cerveau dans la main

Lorsque l’enfant est à l’aise avec les termes ci-haut, il est important de parler de ce qui arrive lorsque le cerveau d’en haut ne parvient pas à dominer les émotions du cerveau d’en bas. Si une personne ressent une « grosse émotion », le chien de garde se met à aboyer; le hibou savant a alors du mal à le faire taire. Une bonne manière d’expliquer ce concept est avec la main. Dans ce modèle décrit pour la première fois par le Dr Daniel Siegel, la paume représente le cerveau d’en bas et les doigts, le cerveau d’en haut. Le pouce représente les « grosses émotions ». Si le chien de garde du cerveau d’en bas aboie trop fort, une personne peut « lever les doigts » et dévoiler son pouce, ce qui signifie qu’elle a perdu le contrôle de ses émotions. Si, toutefois, le cerveau d’en haut est en contrôle, la personne referme ses doigts sur sa « grosse émotion » et couvre son pouce.

L’un des avantages du modèle de la main, c’est qu’il permet à l’enfant de communiquer comment il se sent sans devoir recourir à des mots. Une personne qui est sur le point d’être en crise peut avoir du mal à exprimer ce qui se passe avant qu’il ne soit trop tard. Ce signe de main permet aux membres de la famille de s’entraider pour contenir leurs émotions avant de perdre leurs moyens. 

 

 

Pleine conscience et autorégulation

Bien des gens croient que la pleine conscience est un synonyme de méditation. Or, ces pratiques diffèrent. En méditation, on tente de « faire le vide », de ne penser à rien. La pleine conscience, en revanche, consiste à être dans le moment présent et à focaliser sur ses sensations physiques, ses sentiments, ses pensées et son environnement, sans les juger. La pleine conscience permet à une personne d’observer avec bienveillance ce qui l’entoure, et ce qu’elle est.

Les éléments fondamentaux de la pleine conscience sont les mêmes que ceux qui définissent une bonne autorégulation. En apprenant comment diriger notre conscience d’une certaine façon, nous pouvons remarquer nos émotions négatives, nos réactions corporelles et nos réponses comportementales, et intervenir. Nous pourrons alors détourner notre attention de ces réactions fortes et impulsives induites par l’amygdale et le cerveau d’en bas, et réguler nos réactions (émotionnelles, comportementales et physiologiques).

Maintenant, lorsque Derek se sent menacé (serrement de poitrine, envie de courir) dans un nouvel environnement, il s’arrête, prend trois grandes inspirations, et nomme trois choses qu’il a remarquées dans ce nouveau milieu. En s’accordant un moment pour remarquer et nommer les éléments qui l’entourent, Derek a l’occasion de détourner son attention de sa peur. Et en portant attention à son corps, Derek est capable de retrouver son sang-froid.

 

Pleine conscience

Quand on est calme, il est plus facile d’utiliser ses aptitudes pour analyser une situation, soupeser les réactions et agir de manière réfléchie et empathique. Quand on est calme et d’humeur stable, on joue un rôle actif dans le choix de ses pensées et de ses émotions.

Il est important de noter que les habiletés de pleine conscience ne nous empêchent pas de ressentir des émotions négatives; elles nous aident à mieux réagir et à remonter la pente plus rapidement. Pratiquer régulièrement la pleine conscience diminue la production d’hormones de stress. Cela ne signifie pas pour autant qu’il n’y aura jamais de crise ou d’accès de colère en présence d’émotions fortes, mais avec un taux d’hormones de stress plus faible, les réactions sont généralement moins excessives.

 

Pratiquer la pleine conscience au quotidien

Il y a deux façons de pratiquer la pleine conscience régulièrement. La première est plus formelle; elle consiste à s’asseoir et à respirer consciemment une à deux minutes à la fois, deux à trois fois par jour. C’est avec la pratique formelle que l’on dénote la plus grande amélioration des problèmes d’autorégulation, tant chez les enfants que chez les adultes. Une personne qui souhaite renforcer les voies de son cortex préfrontal et faire de grands progrès doit trouver quelques moments chaque jour pour s’asseoir et pratiquer la respiration consciente.

La pleine conscience informelle consiste à cultiver une présence attentionnée dans les activités quotidiennes (comme prendre sa douche ou faire la vaisselle). On utilise ses sens pour remarquer ce qui se passe à chaque instant. Par exemple, dans la douche, on peut prêter attention à la température et au bruit de l’eau, au parfum du shampoing ou à la vue des gouttelettes dispersées par la pomme de douche. La pleine conscience informelle permet de rester dans le moment présent toute la journée, d’appliquer les connaissances acquises et d’apprivoiser cette pratique.

Que vous choisissiez la pratique formelle ou les exercices informels, vos pensées vagabonderont. Être pleinement conscient signifie que lorsqu’on réalise que notre esprit vagabonde ou que des pensées nous viennent (frustration, inquiétude, stress ou ennui, par exemple), on accueille ce fait, puis on ramène notre attention sur ce que l’on est en train de faire. Se reconcentrer sur sa respiration peut aider à diriger ses pensées vagabondes.

Quand un changement survient, Évelyne fait son possible pour se ressaisir avant d’en arriver à une crise. Elle se berce d’un pied à l’autre, d’avant en arrière, pour mieux surmonter sa colère ou son inquiétude. Elle a aussi commencé à demander de gros câlins à ses proches dans ces moments. Les parents d’Évelyne l’ont inscrite à des cours de yoga pour l’aider à prendre conscience de son corps et à comprendre comment elle se sent.

 

Respiration consciente

La respiration consciente signifie s’asseoir dans un endroit tranquille et confortable pour inspirer et expirer lentement tout en portant attention aux sensations dans son corps (par exemple, sentir l’air traverser son nez). Il est important de respirer profondément; il faut que le ventre se soulève à l’inspiration et se creuse à l’expiration. Ce type de respiration a la réputation de calmer l’amygdale. De plus, en prêtant main-forte au cerveau d’en bas, il contribue à détendre le corps. Lorsqu’un enfant pratique la respiration consciente, le cerveau inculque l’habitude de réagir à l’anxiété et au stress par la respiration.

 

Prise de conscience des sens

La prise de conscience des sens signifie prendre le temps de porter attention à son environnement grâce à ses sens. Par exemple, une personne utilise consciemment ses sens si elle prend un instant pour humer l’odeur d’une bonne tasse de café ou admirer la beauté des fleurs. En apprenant à arrêter ses pensées pour se concentrer sur ce qui se passe en temps réel autour de soi, on peut renforcer les connexions du cerveau d’en haut. La prise de conscience des sens peut aider une personne qui souffre d’anxiété à modifier ses schémas anxieux en redirigeant son attention sur les sensations que son environnement lui procure. Plus loin, vous trouverez une fiche adaptée aux enfants et contenant des suggestions d’activités correspondantes.  

 

Prise de conscience du mouvement

Être conscient de son corps, c’est se connecter à ce que l’on est en train de vivre. Avec la prise de conscience du mouvement, on dirige son attention sur son corps et sur le fait qu’il bouge de toutes sortes de manières. On remarque comment son corps réagit, ainsi que les pensées et les émotions qui accompagnent ces mouvements au quotidien. Par exemple, prendre conscience de sa posture ou observer comment on se sent lorsqu’on bouge avec son enfant (lorsqu’on lui tient la main, lorsqu’on l’étreint). La conscience du mouvement comprend également l’exécution d’exercices en pleine conscience, comme le yoga et la marche consciente. Se concentrer sur les mouvements de son corps apaise l’esprit; le cortex préfrontal est aux commandes, ce qui nous fait prendre de meilleures décisions. Vous trouverez plus loin une fiche adaptée aux enfants et contenant des suggestions d’activités correspondantes.

 

Pratiquer la pleine conscience avec les enfants

La pleine conscience peut être simplement décrite par le fait de concentrer son attention sur une chose à la fois et vivre pleinement chaque activité que l’on fait. Quand on est pleinement conscient, le hibou savant nous aide sur le plan émotionnel et nous garde dans le moment présent. Cela signifie qu’on ne pense pas à ce qui est arrivé à l’école aujourd’hui ou à ce qu’on mangera pour souper demain. On pense seulement à ce qui se passe maintenant!

 

La pleine conscience et le défi des transitions

Changer d’activité peut être difficile pour un enfant ayant des problèmes d’autorégulation; difficulté à contrôler ses pulsions, accès de colère et crises seront alors au rendez-vous. Certaines des stratégies énoncées dans cette trousse peuvent aider l’enfant à passer d’une activité à une autre en lui signalant calmement qu’il est temps de faire autre chose. En utilisant systématiquement ces outils de transition, l’enfant finit par développer de meilleures compétences pour réguler ses réactions lorsqu’on lui demande de changer de tâches.

 

La pause mentale

La « pause mentale » est un exercice très utile pour faciliter les transitions entre les activités. Pour accroître les chances que la transition vers une nouvelle activité se déroule dans le calme, une bonne astuce est d’effectuer un décompte avant le début de la pause mentale. Par exemple, on peut faire savoir à l’enfant que dans dix minutes, il prendra une pause mentale avant de faire autre chose. Puis, on l’avise à nouveau cinq minutes plus tard. Si vous n’avez pas de sonnerie sous la main, vous pouvez télécharger une application gratuite en ligne.

 

Respiration consciente

La respiration consciente nous connecte à notre respiration. Apprendre à respirer consciemment avec un « compagnon de respiration » est une bonne activité à essayer avec un enfant. Pour commencer, l’enfant s’allonge au sol et place un toutou (ou un livre, si l’enfant est âgé) sur son ventre. On lui demande ensuite de respirer profondément, de manière à ce que son ventre et l’objet choisi montent et redescendent à chaque respiration. En se concentrant sur son objet, l’enfant peut voir s’il respire toujours au même rythme. Voici ce que vous pourriez dire la prochaine fois que vous pratiquerez la respiration consciente ensemble :

« Inspire par le nez, puis expire par la bouche, lentement et profondément.
Ton ventre se soulève et se creuse à chaque respiration.
Si ton esprit vagabonde, c’est correct. Accepte chaque pensée, puis laisse-la partir comme un nuage qui passe dans le ciel. »

 

Prise de conscience des sens

La prise de conscience des sens nous connecte à nos cinq sens. Grâce à différentes activités, nous pouvons pratiquer la pleine conscience par le toucher, l’ouïe, l’odorat, la vue et le goût. Remarquer ce que l’on voit, ce que l’on entend ou ce que l’on touche lorsqu’on est contrarié aide à maîtriser ses émotions et à empêcher son chien de garde d’aboyer. Un enfant qui commence à se sentir submergé peut se calmer en nommant chaque chose qu’il voit, entend, touche, goûte ou sent.

 

Prise de conscience du mouvement

Prendre conscience de nos mouvements nous connecte à notre corps. Lorsque nous portons attention à notre corps en mouvement, nous renforçons les connexions du hibou savant. Notre façon de bouger peut soit nous calmer, soit nous énergiser. Par exemple, on peut très bien faire du yoga lorsqu’on a sommeil. Les enfants qui ont du mal à communiquer avec des mots peuvent toujours exprimer comment ils se sentent avec des gestes. En portant attention aux mouvements de leurs enfants, les parents peuvent choisir un mouvement conscient qui les aidera à s’autoréguler et à rester calmes.


 

Modèle S.T.O.P.

L’autorégulation permet à une personne de penser avant de parler ou d’agir. Il est parfois difficile de contrôler les émotions fortes et de garder son calme lorsqu’on est contrarié, mais avec de l’entraînement, on peut marquer un temps d’arrêt pour se laisser sa chance de faire le bon choix.

 Que pourrais-tu faire ensuite?

Stop : cesse ce que tu fais.

Que pourrais-tu faire?
(M’arrêter et respirer profondément.)

Temps pour une pause mentale.

Que pourrais-tu faire?
(Prendre conscience de mes sens.)

Observe ce qui se passe, prends conscience de ce qui arrive.

À quoi penses-tu?
Que ressens-tu?
Que se passe-t-il dans ton corps?
Que se passe-t-il autour de toi?
Comment se sentent les gens qui t’entourent?

Poursuis en étant pleinement conscient, avec bienveillance et compassion.

Quelles stratégies peux-tu utiliser pour calmer ton esprit et détendre ton corps?

 

Modélisation de l’autorégulation pour les enfants

Comme discuté, le cerveau d’en haut se forme jusqu’à 25 ans. Le cerveau apprend à réagir à certaines situations en observant comment les autres réagissent. Par exemple, si un enfant voit un parent crier et s’enfuir à la vue d’une araignée, il imitera probablement ce comportement lorsqu’il verra une araignée. Si l’enfant voit souvent son parent réagir de la sorte, il aura probablement le réflexe de réagir de cette façon plus tard. Par contre, si l’enfant voit ses parents réagir calmement face à une situation de stress, il réagira probablement de cette manière à son tour. Les parents qui souhaitent transmettre la pleine conscience à leur enfant aiment bien s’imaginer qu’il y a une caméra dans le cerveau de leur enfant.

Conversation sur la pleine conscience à la maison

Si nous voulons que nos enfants pratiquent la pleine conscience et apprennent à s’autoréguler, nous devons adopter les bons comportements et utiliser le vocabulaire de la pleine conscience chaque jour. Portez attention aux moments où il serait utile de souligner que la personne est anxieuse ou contrariée, puis attirez l’attention sur ses sentiments, sans colère ni jugement. Par exemple :

• Aidez votre enfant à reconnaître les moments où son chien de garde aboie fort et encouragez-le à s’arrêter pour respirer.

« Évelyne, je vois que ton chien de garde commence à aboyer. Allons chercher ton compagnon de respiration, il nous aidera à nous calmer. Ensuite, nous verrons ensemble comment régler le problème. »

• Donnez l’exemple à votre enfant lorsque c’est vous qui avez besoin de prendre une pause pour respirer.

« Derek, mon chien de garde a pris le dessus. Je suis désolé d’avoir crié. Je vais aller prendre une pause et respirer. Ensuite, nous pourrons parler de tout ça calmement, lorsque mon hibou savant aura repris les commandes. »

• Restez dans le moment présent – ne pensez pas au passé ni au futur.

« Jade, je sais que tu as peur de réciter ton poème en classe aujourd’hui. Utilisons la cloche pour remettre nos idées en ordre et partir pour l’école à l’heure aujourd’hui. »

• Pratiquez la pleine conscience et la respiration consciente régulièrement.

 

Revenir sur une crise

Malgré tous nos efforts pour mettre en pratique la pleine conscience, des crises surviendront de temps à autre. Lorsque la personne aura retrouvé son calme, analysez la réaction au moyen de la méthode S.T.O.P. mentionnée précédemment et voyez comment la situation aurait pu être gérée différemment. Sans colère ni jugement, parlez du moment où la personne aurait pu s’arrêter (S) avant de réagir, comment elle aurait pu prendre du temps (T) pour une pause mentale, ce qu’elle a observé (O) en elle et autour d’elle, et ce qui aurait été un bon choix si elle avait décidé de poursuivre (P) avec calme et compassion. Avec des commentaires constructifs, une personne peut planifier une meilleure façon de réagir à l’avenir. Et lorsqu’elle sera confrontée à une situation semblable, c’est peut-être cette voie qu’elle choisira.

 

 

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