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Trousse à outils sur les particularités d'intégration sensorielle

Fakhri Shafai, Ph.D., M.Ed. | Brain and Mind Institute, Western University Moira Peña, BscOT, MOT, Occupational Therapist | Holland Bloorview Kids Rehabilitation Hospital Elsbeth Dodman, Honours B.A. | Autistic Self-advocate
La présente trousse offre aux personnes autistes et à leurs familles une présentation des huit systèmes sensoriels, des questions pour les aider à déterminer les systèmes sensoriels les plus affectés chez la personne autiste, et quelques conseils pour la maison. Des ressources supplémentaires, dont un survol des options de traitement professionnel, sont fournies.

Le présent document a été élaboré par des chercheurs dans le domaine de l’autisme, des médecins cliniciens et des personnes autistes pour le compte de la fondation AIDE.

 AIDE Canada (« AIDE ») est un réseau national qui s’engage à fournir de l’information et des ressources précises, actualisées et utiles aux personnes qui en ont besoin. AIDE fournit des renseignements, des outils et des ressources liés au trouble du spectre de l’autisme (« TSA ») et des troubles développementaux (« TD »), pour tous les groupes d’âge, grâce au soutien d’une équipe de chercheurs qui s’assure que ces ressources sont exactes et utiles pour vous et vos proches.

Terminologie choisie 

Dans cette trousse, il est question de « personnes avec un TSA» (trouble du spectre de l’autisme) ou de « personnes autistes ». Nous avons choisi ces termes d’après les recommandations de l’une des autrices de cette trousse, Elsbeth Dodman, une autiste militante, et en accord avec les directives récentes des organismes de recherche et des revues. Ces termes englobent les termes préalablement utilisés pour les personnes autistes, les personnes avec un syndrome d’Asperger ou un trouble envahissant du développement (TED).

Nous employons également les termes « hyperréactivité » et « hyporéactivité » plutôt que « hypersensibilité » et « hyposensibilité », des termes utilisés auparavant. Des recherches ont démontré qu’une personne autiste n’est pas nécessairement plus sensible aux informations sensorielles; c’est plutôt la façon dont elle réagit à ces informations qui diffère. Par exemple, une personne vivant avec un TSA qui réagit fortement aux lumières vives ne possède pas plus de récepteurs dans ses yeux qu’une autre. De la même manière, une personne qui cherche constamment des sensations tactiles n’a pas nécessairement moins de terminaisons nerveuses au bout des doigts. Ces personnes ne reçoivent donc pas moins d’informations sensorielles que les autres; c’est plutôt leur réaction aux informations sensorielles qui diffère.

Glossaire

Hyperréactivité : Réaction extrême causée par la sensation d’être submergé d’informations sensorielles, et qui s’accompagne généralement d’un comportement d’évitement sensoriel.

Hyporéactivité : Manque de réactivité aux informations sensorielles, qui s’accompagne généralement d’un comportement de recherche sensorielle.

Fonction intéroceptive : Informe sur ce qui se passe à l’intérieur de l’organisme (p. ex., la faim ou la soif).

Intégration multisensorielle : Processus par lequel les informations sensorielles provenant d’au moins deux systèmes sensoriels distincts sont combinées et perçues comme provenant d’un même événement (par exemple, la combinaison d’informations visuelles et auditives entraînant la perception d’une personne qui parle).

État d’éveil et d’attention optimal : La période d’éveil où une personne est à la fois alerte et calme. Au cours de la journée, la personne autiste adapte constamment son comportement dans le but de rester dans cet état.

Système proprioceptif : Permet de percevoir la position du corps et les mouvements des membres par rapport aux autres.

Système vestibulaire : Utilise l’information reçue par l’oreille interne pour favoriser l’équilibre et la coordination.

 

Introduction aux particularités d’intégration sensorielle

Présenter des particularités d’intégration sensorielle est un phénomène courant chez les enfants autistes et qui perdure souvent jusqu’à l’âge adulte. De nombreuses personnes présentant un TSA ont de la difficulté à contrôler leur réaction face aux informations sensorielles perçues par au moins un sens, mais dans bien des cas, cette difficulté touche plusieurs sens.

La présente trousse offre aux personnes autistes et à leurs familles une présentation des huit systèmes sensoriels, des questions pour les aider à déterminer les systèmes sensoriels les plus affectés chez la personne autiste, et quelques conseils pour la maison. Des ressources supplémentaires, dont un survol des options de traitement professionnel, sont fournies, ainsi que des recommandations de lecture et de sites Web.

Alice est une femme autiste de 18 ans qui déteste les bruits forts et soudains et qui, dans une foule, a de la difficulté à se concentrer et à s’y sentir à l’aise. Il est donc très difficile pour elle d’aller à l’épicerie ou au centre commercial, ou d’assister à des événements en plein air. Pour Alice, les bruits forts et soudains sont effrayants, terrorisants. Alice est souvent très fatiguée et sujette aux crises à la fin d’une longue journée.

Ben est un garçon de 8 ans qui a une alimentation très limitée et de la difficulté à savoir quand il a faim. Il n’aime pas la texture de la plupart des aliments, et ne trouve pas les fruits et les légumes très appétissants. À cause de cette alimentation, il est souvent constipé. Son médecin a d’ailleurs confirmé qu’il ne consomme pas tous les nutriments nécessaires à sa croissance.

 

Systèmes sensoriels

La plupart des gens connaissent les cinq systèmes sensoriels qui sont la vue, l’ouïe, le goût, l’odorat et le toucher, mais ignorent les trois autres grands systèmes sensoriels en traitement continuel par le cerveau : le système vestibulaire (équilibre et coordination), la proprioception (position du corps, mouvement des membres) et l’intéroception (perception de ce qui se passe à l’intérieur de son corps, comme la faim et la soif). De nombreuses personnes autistes ont des problèmes avec plusieurs systèmes sensoriels, bien que les sens touchés et l’intensité des problèmes peuvent changer pendant la croissance, jusqu’à l’âge adulte.

 

 

Réagir aux informations sensorielles

Nos sens nous envoient de l’information tout au long de la journée. Généralement, le cerveau la filtre, et seule l’information la plus importante reçoit notre attention. Par exemple, si une personne vous parle, votre cerveau concentre généralement votre attention sur ses lèvres qui bougent et sur les mots prononcés, et non sur une mouche qui bourdonne contre la fenêtre. Par contre, plus tard dans la journée, vous pourriez avoir du mal à porter attention à ce qu’une personne dit parce que vous avez très faim. Dans un tel cas, votre cerveau concentre votre attention sur ce qui compte le plus pour la santé de votre corps (la nourriture), plutôt que sur les paroles d’une personne. En concentrant notre attention sur les seuls sens qui importent à un moment précis, notre cerveau nous empêche d’être submergés d’informations sensorielles.

 

Un comportement qui s’adapte aux informations sensorielles

Notre intelligence cherche constamment à nous garder dans un « état d’éveil et d’attention optimal », de façon à nous garder assez calme et alerte pour vaquer à nos occupations quotidiennes du mieux que nous pouvons. Mais personne n’est à l’abri d’un changement qui nous amène en deçà ou au-delà de cet état optimal durant une journée, et il est tout à fait normal d’avoir à s’ajuster pour le retrouver. Par exemple, le matin, on peut avoir besoin de se donner un coup de fouet; on prend alors un café ou on roule la vitre baissée jusqu’au travail. Au contraire, à d’autres moments de la journée, il est possible de vivre de l’anxiété à cause d’une présentation importante au travail. Alors, on ferme les yeux et on respire profondément pour se détendre.  

L’hyperréactivité et l’hyporéactivité

On peut qualifier les réactions extrêmes face aux informations sensorielles d’hyperréactives (réagir excessivement) ou d’hyporéactives (ne pas réagir comme il se devrait). Dans ces deux cas, la personne est loin d’être dans un état d’éveil et d’attention optimal, ce qui signifie qu’elle ne se sent ni calme ni alerte.

Alice est mal à l’aise dans les bains de foule parce que les couches sonores (gens qui parlent, rires, cris, musique, etc.) obtiennent toutes le même degré d’attention de sa part, ce qui fait qu’il lui est difficile de dire sur quoi elle est censée se concentrer. Elle ressent souvent le besoin de « s’échapper » lorsqu’elle se sent envahie de la sorte. Alors, elle quitte les lieux ou se retire dans un endroit tranquille.

Si le cerveau d’une personne est incapable de filtrer les informations sensorielles non pertinentes, elle se sent envahie. Son système nerveux s’emballe; c’est l’hyperréactivité. Une surcharge d’informations sensorielles peut activer le système nerveux et entraîner trois types de réactions : « l’immobilisation, l’attaque ou la fuite ». Les personnes qui subissent une surcharge sensorielle peuvent réagir en figeant sur place, en se fâchant ou en se montrant agressives envers une autre personne ou un objet, ou encore en s’enfuyant de la source d’information sensorielle.

Ben préfère les gros câlins et les touchers fermes.  Ces contacts l’aident à garder les deux pieds sur terre et à situer son corps dans l’espace. Ben se cogne souvent contre des objets. Mettre un manteau n’est pas facile pour lui.

Alice aime mettre des choses dans sa bouche, mâchonner des jouets, des stylos, des pièces de monnaie ou des pailles. En mâchant ces objets, elle explore le monde qui l’entoure, découvre des textures, éprouve différentes sensations; c’est apaisant pour elle.

En revanche, lorsqu’une personne « sous-réagit » ou ne réagit pas aux informations sensorielles comme elle le devrait, on parle d’hyporéactivité. Les personnes hyporéactives recherchent ces informations sensorielles, ce qui donne lieu à des comportements comme écouter de la musique très fort, mâcher des vêtements, des objets non alimentaires ou des parties du corps, ou tourner en rond, par exemple. Les personnes autistes disent que ces comportements les aident à se sentir plus calmes et plus alertes.

Chez les personnes autistes, il est courant de se retrouver à un extrême ou à un autre à différents moments de la journée. Se concentrer sur un ou deux systèmes sensoriels seulement peut être difficile pour une personne autiste. Reprenons l’exemple d’une personne qui parle : une personne autiste peut avoir du mal à observer le mouvement des lèvres ou à entendre les mots, parce qu’une mouche qui bourdonne contre la fenêtre retient tout autant son attention. Tout comme nous, les personnes autistes adaptent leurs comportements dans le but de retrouver leur « état d’éveil et d’attention optimal ». La grande différence, c’est que, parfois, leur comportement les amène à trop en faire, à aller trop loin dans l’autre direction.

 

Il s’agit alors d’hyperréactivité ou d’hyporéactivité : menez une enquête sensorielle

Difficile de savoir si les comportements dont vous êtes témoin chez une personne autiste sont le résultat d’une surcharge sensorielle ou d’un manque de réactivité. En effet, certains comportements similaires (comme mâcher des vêtements ou d’autres objets non alimentaires) constituent une stratégie d’adaptation tant pour une personne surstimulée que pour une personne sous-stimulée par son environnement.

Voilà pourquoi il est bon de mener l’enquête sensorielle. Essayez de remarquer à quel moment de la journée le comportement se produit, ce qui se passait juste avant, et ce qui se passe juste après. Le comportement survient-il généralement au début de la journée ou à la fin? La personne autiste est-elle troublée après avoir été dans un endroit bondé et bruyant? S’apaise-t-elle lorsqu’elle pratique une activité de recherche sensorielle? Si tel est le cas, c’est probablement parce qu’elle se sentait submergée d’informations sensorielles, frustrée par celles-ci; le comportement adopté visait à la calmer.

D’ailleurs, la personne autiste était-elle très calme avant d’adopter ce comportement, et plus alerte après? En fait, elle a probablement agi de la sorte pour « sentir quelque chose » et retrouver son état d’éveil et d’attention optimal. Une bonne observation et des notes détaillées vous permettront de dégager des tendances et de savoir quand intervenir.

 

 

La neuroscience et les particularités sensorielles dans le domaine de l’autisme

Bien que les chercheurs étudient les particularités d’intégration sensorielle depuis des années, ce n’est que grâce aux récentes avancées scientifiques en matière de neuro-imagerie que nous avons pu explorer les différences structurelles dans le cerveau. Plusieurs de ces études démontrent qu’il existe un grand nombre de différences neuroanatomiques entre les personnes autistes. Malgré ce manque de cohérence, certaines tendances dans le domaine des neurosciences ont commencé à émerger :

  • Connexions supplémentaires dans les aires sensorielles – Les aires sensorielles des personnes vivant avec un TSA peuvent contenir plus de synapses, ou connexions, entre les neurones. Si ces connexions supplémentaires envoient des messages simultanément, elles peuvent surcharger le cerveau d’informations sensorielles. On croit que c’est ce qui explique la sensation de « friture » ou de « parasites » dont parlent les personnes autistes lorsqu’elles décrivent leurs expériences sensorielles.
  • Différences dans les connexions entre les régions cérébrales qui sont éloignées les unes des autres –  Puisqu’il dépense de l’énergie pour entretenir ces connexions supplémentaires, le cerveau dispose de moins de ressources pour renforcer les voies neurales qui connectent les régions cérébrales éloignées les unes des autres. Par exemple, l’information visuelle est traitée à l’arrière du cerveau. La planification motrice, toutefois, est traitée dans le haut du cerveau. Une faible connexion à distance entre ces deux régions peut expliquer les maladresses chez certaines personnes présentant un TSA. En revanche, les connexions éloignées peuvent aussi être plus fortes chez certaines personnes autistes. Par exemple, des études démontrent que certains individus présentent des connexions fortes entre les aires sensorielles et le thalamus, une structure responsable de relayer les signaux sensoriels au reste du cerveau.
  • Particularités de l’activité de l’amygdale – L’amygdale est associée aux réactions de peur et de colère. Les différences entre la force de connexion des aires sensorielles et de l’amygdale favorisent les réactions extrêmes à certaines informations sensorielles. Veuillez consulter la trousse « Autorégulation » pour en savoir plus sur le rôle de l’amygdale dans les crises.
  • Difficulté à passer d’un mécanisme cérébral à un autre Les personnes autistes prennent plus de temps à passer du traitement d’une information sensorielle à une autre ou pour traiter deux sens ou plus simultanément. Leur demander de rediriger rapidement leur attention (par exemple, regarder plusieurs objets qui bougent en même temps) peut contribuer à les surcharger d’informations sensorielles.

 

 

Déterminer les particularités sensorielles propres à la personne autiste

À la fin de cette trousse se trouve un tableau intitulé « Les huit systèmes sensoriels ». Il résume ce qui est le plus important à propos de chaque système sensoriel. Ce document peut être détaché du reste de la trousse et servir de guide de référence rapide pour déterminer l’information sensorielle causant une réaction particulière. Il comporte une liste de points non normalisés présentant des exemples de réactions hyperréactives et hyporéactives pour chaque aire sensorielle. Cette liste peut servir aux soignants et aux médecins pour cerner les systèmes sensoriels qui posent problème à la personne autiste. Elle propose également un régime de vie qui tient compte des problèmes sensoriels.

Ce régime de vie se définit comme un groupe d’activités sensorielles adaptées à l’individu présentant des particularités d’intégration sensorielle et spécialement conçues pour garantir que cet individu reçoive chaque jour les informations sensorielles dont son corps a besoin. L’objectif de ce régime est de permettre l’acquisition de compétences qui favorisent l’éveil, l’attention, l’autorégulation et l’équilibre d’une personne en réponse à ses réactions sensorielles. La dernière colonne du tableau contient une liste d’activités sensorielles possibles. Il est important de noter que ces activités ne sont que des suggestions. Elles ne représentent que quelques possibilités parmi toutes celles qu’un parent peut choisir, toujours avec le consentement enthousiaste de son enfant. Dans la plupart des cas, l’enfant exprime par des mots ou par des gestes ce dont il a besoin – il suffit de l’écouter ou de l’observer.

 

Particularités sensorielles auditives (ouïe)

Réagir fortement à certains bruits est la particularité sensorielle la plus fréquente chez les personnes présentant un TSA, touchant jusqu’à 80 % d’entre elles. Certaines de ces personnes se sentent assaillies lorsqu’elles entendent des sons très aigus ou des bruits de machine (comme celui d’une tondeuse à gazon ou d’un aspirateur). Pour d’autres, tout son dont le volume excède leur zone de confort les prédisposera à se sentir agressées. 

Il est également possible qu’une personne autiste ne soit pas suffisamment stimulée par les sons qui l’entourent. Dans un tel cas, elle peut réagir en augmentant le volume du téléviseur ou en frappant bruyamment sur des casseroles, puisqu’elle cherche ce type d’informations sensorielles pour atteindre l’état d’éveil et d’attention optimal.

Il n’est pas rare qu’une personne autiste réagisse différemment à certains bruits au cours d’une même journée, passant d’une réaction hyperréactive à une réaction hyporéactive, ou qu’elle n’ait que des réactions fortes dans des situations données (par exemple, dans un centre commercial bondé et bruyant).

Alice supporte mal les bruits forts et soudains, parce qu’elle ne s’y attend pas et ne peut donc pas s’y préparer ni prévoir la durée du bruit. Lorsqu’un bruit fort survient – comme celui d’une ambulance ou d’une alarme d’incendie –, Alice crie et couvre ses oreilles pour étouffer ce bruit pénible. Il se peut qu’elle parte en courant ou qu’elle se crispe en sursautant à cause du bruit soudain. Même s’il n’y a plus de bruit, elle pourrait demeurer nerveuse et excessivement alerte.

Exemples de réactions auditives extrêmes

Chaque personne autiste a ses préférences en matière de sons; pour chacune, certains sont agréables, d’autres désagréables. Difficile alors de déterminer quels bruits déclenchent ses réactions. Pour s’aider lorsqu’on mène son enquête sensorielle, il est bon de noter les réactions et des détails sur le moment où la réaction s’est produite (par exemple, partir en courant lorsque la cloche de l’école sonne à la récréation).

Réactions auditives hyperréactivesRéactions auditives hyporéactives
  • Se couvrir les oreilles en présence de bruits déplaisants (comme une sirène)
  • Partir en courant au son de certains bruits ou dans un environnement bruyant (comme un centre commercial)
  • Crier ou tenter de briser la source du bruit déplaisant
  • Coller l’oreille contre la source du bruit (comme le haut-parleur du téléviseur)
  • Faire du bruit (par exemple, claquer la porte à plusieurs reprises)
  • Fredonner ou crier répétitivement

À noter que dans ces exemples, la source du comportement n’est pas toujours claire. Par exemple, la personne tente-t-elle de démonter une horloge parce qu’elle n’aime pas le bruit de son alarme (hyperréactivité), OU parce qu’elle veut faire du bruit et qu’elle aime l’information sensorielle produite par les craquements du plastique (hyporéactivité)? La personne crie-t-elle parce qu’elle est submergée d’informations sensorielles et tente d’étouffer les bruits qui l’entourent (hyperréactivité), OU parce qu’elle manque de stimulation et aime entendre sa voix à ce volume (hyporéactivité)? Observer attentivement et prendre des notes aide à dégager les tendances et à comprendre ce qui déclenche les comportements. 

Problèmes de prévisibilité L’une des plaintes les plus courantes chez les personnes autistes est que parfois, un même bruit peut sembler tantôt très loin, tantôt tout près. Si la perception du bruit (comme la cloche d’une école) change chaque fois, le cerveau ne parvient pas à s’habituer à ce bruit, ce qui génère de l’incertitude et de l’anxiété.

Alice se protège contre la surcharge sensorielle en portant un casque antibruit lorsqu’elle est dans une foule. Lorsqu’Alice arrive à la maison après une longue journée, elle s’accorde quelques heures de tranquillité en s’installant à l’ordinateur ou en lisant dans sa chambre. Cela lui permet de recharger ses batteries et d’éviter les crises.

 

Particularités sensorielles visuelles

Les réactions aux informations visuelles varient énormément d’une personne autiste à l’autre. Malgré ces différences, on peut quand même dégager certaines tendances en matière de traitement d’information visuelle. D’abord, la vue ne fait pas exception aux autres sens : ici aussi, les réactions sensorielles fluctuent au cours de la journée, la personne se sentant tantôt submergée, tantôt sous-stimulée par les stimuli visuels qui l’entourent.

Bien qu’il ne faille pas généraliser, de nombreuses personnes autistes ne traitent pas toutes les informations visuelles de la même manière, qu’il s’agisse de lumières vives, de couleur ou d’objets en mouvement. On peut dégager des tendances de nature hyperréactive et hyporéactive dans les réactions à de nombreuses tâches visuelles (par exemple, pouvoir remarquer les changements de couleur).

Le traitement visuel joue un grand rôle dans le fonctionnement social (par exemple, reconnaître lorsqu’une personne est en colère), et nombre de particularités ont été constatées dans la manière dont les personnes vivant avec un TSA interprètent l’expression sur un visage.

Alice met ses mains en cornet autour de ses yeux lorsqu’elle veut réduire son champ de vision et se concentrer sur une seule chose à la fois.  Ce faisant, Alice réduit la quantité d’informations qu’elle reçoit.

Gabriella a de la difficulté avec l’éclairage fluorescent à l’école, parce que ces lumières lui font mal aux yeux; elles sont trop fortes et nuisent à sa concentration. Elle a du mal à transcrire ce qui est écrit au tableau, car l’éclairage fluorescent l’empêche de se concentrer sur le tableau et ses notes.  

Exemples de réactions visuelles extrêmes

Les comportements de recherche et d’évitement sensoriels sont des réponses courantes à l’information visuelle. D’ailleurs, on peut souvent reconnaître le comportement adopté simplement en observant ce que fait la personne ou ce sur quoi elle porte son attention. L’évitement extrême découle généralement d’une surcharge causée par au moins un aspect des informations visuelles environnantes. Par exemple, crier et s’enfuir à la fin d’un film suggère que la personne ne tolère pas le générique de fin où défile une foule de renseignements.

Réactions visuelles hyperréactivesRéactions visuelles hyporéactives
  • Se couvrir excessivement les yeux en présence de lumière vive ou fluorescente
  • Refus d’entrer dans une pièce où les murs sont très décorés
  • S’affoler lorsque de nombreux objets bougent en même temps autour de soi
  • Regarder les choses du coin de l’œil
  • Pointer une lumière vive directement dans ses yeux
  • Bouger ou claquer les doigts devant ses yeux

Plusieurs études en oculométrie ont démontré que les personnes autistes ont tendance à regarder moins longtemps certaines choses (p. ex., les visages), mais peuvent fixer intensément d’autres types d’informations visuelles, comme de petits détails ou motifs. Il est parfois difficile de savoir si le fait d’éviter de fixer quelque chose du regard découle d’un comportement de recherche sensorielle ou d’évitement sensoriel. La personne évite-t-elle de regarder l’objet en question parce que celui-ci lui déplaît visuellement ou entraîne une surcharge (hyperréactivité), ou regarde-t-elle les objets du coin de l’œil parce qu’elle aime l’information sensorielle visuelle en périphérie (hyporéactivité)? Examiner le contexte peut aider.

Problèmes avec les contacts visuels – Les personnes présentant un TSA ont de la difficulté à savoir comment les gens se sentent parce que bien souvent, elles ne soutiennent pas le regard des autres. En effet, certaines personnes autistes évitent de regarder quelqu’un dans les yeux afin de se protéger contre une possible surcharge émotionnelle. D’autres ont du mal à interpréter les regards, elles fixent donc la bouche dans l’espoir de comprendre comment se sent l’interlocuteur (p. ex., sourit-il ou non?). Quelle que soit la racine du problème, l’évitement visuel est synonyme d’anxiété élevée chez les personnes autistes pendant les interactions sociales.

La famille d’Alice a imprimé et plastifié des cartes illustrant des gobelets plus ou moins pleins. Lorsqu’Alice pointe la carte montrant le gobelet presque plein, c’est qu’il est temps de partir ou de trouver un endroit tranquille. C’est pratique, puisqu’Alice n’a pas à chercher les mots pour s’exprimer lorsqu’elle se sent submergée d’informations. 

Gabriella porte des verres fumés en classe lorsque les enseignants ne peuvent pas tamiser les lumières pour elle ou couvre les lampes fluorescentes de mouchoirs pour en tamiser la lumière et réduire le scintillement.

 

Particularités sensorielles tactiles (toucher)

Le sens tactile, ou le toucher, permet de sentir les textures, les vibrations, les températures et la douleur. Les récepteurs cutanés de l’ensemble du corps nous renseignent sur ce que l’on a touché. Ces récepteurs fournissent de l’information sur l’environnement et les attributs physiques de l’objet touché (sa douceur, par exemple).

Même s’il s’agit seulement d’un « sens », le toucher est un système complexe qui recourt à quatre types de récepteurs pour nous renseigner sur ce que nous touchons. Une personne peut ne pas se trouver dans son « état d’éveil et d’attention optimal » parce qu’elle est hyperréactive dans certains aspects du toucher (p. ex., elle réagit excessivement si on l’effleure) tout en étant hyporéactive dans un autre aspect du toucher (p. ex., elle n’a pas de réaction si elle touche un objet chaud).

Selon le type de toucher, les réactions des personnes présentant un TSA peuvent varier d’hyperréactives à hyporéactives au cours de la journée ou selon le contexte (p. ex., elle réagit toujours vivement aux étiquettes des vêtements).

Gabriella aime faire courir sa main le long des murs de la maison pour sentir les bosses. Elle frotte aussi son visage contre les tissus rugueux pour les sentir gratter sa peau. Par contre, Gabriella n’aime pas lorsque les gens la frôlent ou l’effleurent.  Les contacts légers l’énervent, car ils lui font mal. C’est particulièrement vrai avec les étiquettes de vêtements; pour Gabriella, elles piquent et elles grattent.

Exemples de réactions tactiles extrêmes

Les quatre grandes catégories de récepteurs cutanés nous permettent d’interpréter différents aspects de notre environnement. Les thermorécepteurs réagissent à la chaleur et au froid. Un autre type de récepteurs détecte les contacts légers, comme celui d’une plume. Il existe deux types de récepteurs de la douleur, les nocicepteurs : l’un réagit aux douleurs comme les coups de soleil, et l’autre réagit aux douleurs causées par des objets comme les piqûres d’aiguille. Les récepteurs tactiles de la dernière catégorie se trouvent plus loin sous la peau et réagissent à la pression, comme les pincements. N’importe lesquels de ces récepteurs peuvent être hyperréactifs ou hyporéactifs à divers moments de la journée.

Comportements révélant une hyperréactivité tactileComportements révélant une hyporéactivité tactile
  • Éviter les contacts physiques et les câlins
  • Réagir fortement aux vêtements avec des étiquettes
  • Ne pas aimer se brosser les dents ou les cheveux, ou éviter de le faire
  • Toucher constamment les gens ou les objets
  • Tolérance exceptionnelle à la douleur intense
  • Préférer porter des vêtements serrés ou épais

Problèmes avec la douleur – L’un des aspects les plus troublants concernant les problèmes de perception cutanée chez les personnes autistes, c’est qu’elles réagissent à certaines sensations tactiles comme si la douleur était extrême, mais ne réagissent pas à d’autres qui, normalement, seraient perçues comme étant douloureuses. Pour certaines personnes, la perception de la même information sensorielle (l’effleurement d’un bras, par exemple) peut fluctuer, s’avérant parfois très douloureuse et d’autres fois, presque imperceptible. Cette incohérence peut être anxiogène, puisque la personne ne sait plus comment elle percevra la prochaine sensation tactile.

Gabriella utilise un petit porte-clés avec animal en peluche pour s’aider à rester tranquille et à ne pas déranger les autres en classe.  Gabriella sait qu’en occupant ses mains, elle peut rester assise plus longtemps, ce qui lui permet de bien écouter en classe. De plus, elle ôte désormais les étiquettes des nouveaux vêtements avant de les porter.

 

Particularités sensorielles olfactives (odorat)

Le système sensoriel olfactif nous permet de sentir différentes odeurs; il joue également un rôle dans notre capacité à goûter. Notre nez compte de nombreux récepteurs qui réagissent à différentes odeurs. Les odeurs nauséabondes, comme celle de l’ammoniaque, font réagir certains récepteurs : le nez pique et les yeux coulent. Généralement, lorsqu’on aime une odeur, on inspire profondément. Sentir la nourriture permet aussi de mieux goûter ce que l’on s’apprête à manger.

De plus, le sens de l’odorat est étroitement lié aux souvenirs et aux émotions. En effet, on peut associer des odeurs à des expériences positives ou négatives et revivre l’émotion ressentie autrefois lorsqu’on est exposé à cette même odeur. Par exemple, si une personne sent quelque chose qui lui rappelle un moment où elle se sentait nauséeuse, elle peut avoir la nausée chaque fois qu’elle est exposée à cette odeur par la suite.

Pour de nombreuses personnes autistes, les réactions vives aux odeurs peuvent se situer en deçà et au-delà « l’état d’éveil et d’attention optimal », et il est courant chez ces personnes de montrer une forte inclinaison ou aversion pour ces odeurs en particulier.

Yousef aime humer les choses qui l’entourent. Il peut plonger le nez dans les chaussures laissées sur le pas de la porte, dans les vêtements amoncelés dans un panier à linge, ou dans la fourrure d’animaux qu’il ne connaît même pas. Yousef aime explorer le monde qui l’entoure en le sentant, car les odeurs le réconfortent. La famille de Yousef compose bien avec cette particularité à la maison, mais elle craint que Yousef se fasse mordre par un chien ou un chat un jour – ou qu’il finisse par tomber sur les produits chimiques sous l’évier.

Exemples de réactions olfactives extrêmes

Notre sens de l’odorat joue un grand rôle dans notre sens du goût. Quand les odeurs se lient aux récepteurs de nos narines, un signal est transmis au cerveau et l’odeur est analysée comme étant agréable ou non. S’il s’agit d’un aliment que nous aimons, la bouche peut saliver, anticipant le moment où nous mangerons cette nourriture. Dans bien des cas, si nous sentons un aliment que nous n’aimons pas un aliment en décomposition, par exemple , nous plissons le nez et nous éloignons de l’aliment. On estime que si le sens de l’odorat est à ce point lié au sens du goût, c’est à cause de nos ancêtres qui reniflaient la nourriture avant de la manger afin de ne pas tomber malades.

Comportements révélant une hyperréactivité olfactiveComportements révélant une hyporéactivité olfactive
  • Refuser d’entrer dans une pièce où règnent des odeurs fortes (comme les toilettes)
  • Se tenir loin des personnes parfumées
  • Avoir la nausée lorsque la nourriture est très odorante ou refuser de la manger
  • Se rapprocher d’une personne pour sentir son odeur
  • Humer de nouveaux jouets et de nouveaux objets
  • Chercher les odeurs fortes (p. ex., les désodorisants pour l’air ambiant, les parfums)

Il est parfois difficile de distinguer si une personne évite une odeur simplement parce qu’elle ne l’aime pas, ou parce qu’elle l’associe à un souvenir désagréable. Dans le deuxième cas, il est généralement préférable de lui apprendre des stratégies d’évitement (p. ex., retenir son souffle en traversant la section des parfums d’un magasin) ou de mettre à sa disposition des odeurs qu’elle aime et qu’elle pourra utiliser pour masquer les odeurs désagréables (p. ex., grâce au port d’un collier avec médaillon parfumé).

Si, toutefois, la personne évite l’odeur parce qu’un mauvais souvenir y est associé, il serait peut-être utile d’essayer de l’exposer à cette odeur, à petites doses, en faisant une activité qui lui plaît. De cette façon, vous créerez une nouvelle association, positive cette fois. Par exemple, si la personne évite l’odeur d’un aliment parce qu’il lui rappelle une mauvaise expérience, on pourrait cuisiner cet aliment dans une pièce bien aérée pour atténuer l’odeur tout en faisant, tout près, une activité qui plaît à cette personne.

Problèmes d’adaptation : Lorsqu’on entre dans une pièce où règne une odeur forte (p. ex., une cuisine où on prépare un repas), on remarque généralement tout de suite cette odeur. Plus on reste longtemps dans la pièce, moins on sent l’odeur. Ce procédé se nomme « adaptation ». Il permet à la personne d’arrêter de prêter attention aux choses qui ne changent pas vite, comme l’odeur de l’air ambiant.  De récentes études ont révélé que certaines personnes vivant avec un TSA ne s’adaptent pas rapidement aux odeurs, c’est-à-dire que pour elles, les odeurs restent aussi présentes qu’à leur arrivée dans la pièce. Elles peuvent alors se sentir submergées et devenir anxieuses à proximité d’un lieu où flottent des odeurs fortes (comme une cuisine ou des toilettes).

La famille de Yousef a aspergé quelques-unes de ses peluches de la lotion après-rasage qu’il préfère. Yousef pourra les apporter avec lui lorsqu’il part. Les proches de Yousef essaient de lui montrer à demander le consentement d’un chien ou d’un chat avant de lui toucher. Ils ont aussi installé des verrous de sécurité aux portes d’armoire où se trouvent les produits de nettoyage pour que Yousef ne puisse pas y accéder.

 

Particularités sensorielles gustatives (goût)

L’appareil gustatif permet de goûter grâce à des récepteurs chimiques situés sur la langue, dans la bouche et dans la gorge. Ces récepteurs renseignent sur le goût : l’aliment est-il sucré, aigre, amer, salé ou piquant? L’appareil gustatif fournit des renseignements sur la texture de l’aliment, par exemple s’il est mou ou croustillant.

Les troubles de l’alimentation sont fréquents chez les personnes autistes. Pour certaines d’entre elles, le goût de certains aliments peut être si prononcé qu’elles apprennent à les éviter. D’autres perçoivent la nourriture comme étant si fade qu’elles choisissent constamment des aliments dont l’une des saveurs fondamentales est très prononcée (par exemple, des aliments salés auxquels elles rajoutent du sel).

Chez certaines personnes autistes, ce n’est pas le goût des aliments qui pose problème, mais leur texture. Certaines textures peuvent être si déplaisantes pour ces personnes qu’elles leur donnent la nausée. 

Ben n’aime pas la texture de la plupart des aliments, et ne trouve pas les fruits et légumes très appétissants. Il ne supporte pas la sensation visqueuse des aliments mous, ou encore la texture filandreuse de la plupart des légumes. Pour Ben, ces textures sont repoussantes. Il n’en veut pas dans sa bouche.

Exemples de réactions gustatives extrêmes

Certaines personnes autistes sont décrites comme étant « extrêmement difficiles », car elles sont réticentes à essayer de nouveaux aliments. Il peut être difficile de savoir quels aspects d’un aliment répugnent à une personne autiste, particulièrement si cette dernière est jeune ou incapable de communiquer ses besoins. Malheureusement, plusieurs essais et erreurs seront possiblement nécessaires pour trouver la cause de l’aversion. Est-ce la saveur de cet aliment qui pose problème? Si c’est le cas, l’aliment goûte-t-il meilleur lorsqu’il est assaisonné (sel, poivre ou épices)? La personne autiste préfère-t-elle cet aliment lorsqu’on change sa texture (p. ex., des pommes de terre en purée plutôt que frites)? En général, pour diversifier l’alimentation d’une personne autiste, il est bon de commencer par des aliments fades, puis d’introduire graduellement d’autres aliments qui ont des similitudes (même couleur, même température, même forme) avec les aliments déjà acceptés.

Comportements révélant une hyperréactivité gustativeComportements révélant une hyporéactivité gustative
  • Manger seulement certains aliments et refuser d’en essayer des nouveaux
  • Réagir fortement à la texture de certains aliments (avoir des haut-le-cœur)
  • Goûter de nouveaux aliments du bout de la langue
  • Mâchonner ou lécher de nouveaux objets
  • Avoir constamment envie d’aliments au goût prononcé
  • Garder la nourriture dans ses joues

Certaines personnes autistes sont constamment en quête d’informations sensorielles gustatives. Elles mettent souvent des objets non alimentaires dans leur bouche pour les goûter et découvrir leur texture. C’est un besoin dangereux, puisque l’objet peut être avalé ou chargé de produits chimiques toxiques (comme la peinture). Parfois, mettre des objets inoffensifs (comme un collier avec pendentif à mâcher) à leur disposition peut prévenir l’ingestion de substances dangereuses.

Problèmes à l’heure des repas – Une personne qui a une aversion envers les nouveaux aliments peut devenir très anxieuse à l’idée de manger, ce qui peut entraîner des problèmes de comportement avant ou pendant les repas. L’ajout d’autres attentes liées à ces moments de la journée – par exemple, rester assis longtemps à la table – peut conduire à de nouvelles crises, qui, à leur tour, aggravent l’anxiété.

La famille de Ben lui prépare des smoothies, une façon de contourner le problème de la texture. Elle lui propose régulièrement de nouveaux aliments tout en consultant un diététiste pour s’assurer que Ben ait tous les nutriments dont il a besoin.

 

Particularités sensorielles intéroceptives (intérieur du corps)

L’intéroception, ou la compréhension de ce qui se passe à l’intérieur de son propre corps, est un système sensoriel qui a récemment attiré l’attention en raison de son lien avec les problèmes courants chez les personnes autistes. Le système sensoriel intéroceptif indique à la personne si elle a faim ou si elle est rassasiée, si elle a soif, si elle a mal au ventre ou si sa vessie est pleine. Les problèmes d’intéroception peuvent également perturber le cycle veille-sommeil.

Beaucoup de personnes autistes sont capables de décrire les réactions hyporéactives de leur système intéroceptif, mais ont du mal à comprendre rapidement ce dont leur corps a besoin. Elles ont parfois aussi de la difficulté à reconnaître quand elles ont chaud ou froid. D’autres personnes autistes ont du mal à savoir si leur cœur bat vite ou si elles sont tendues.

Des réactions hyperréactives aux informations sensorielles intéroceptives peuvent également survenir. Par exemple, une personne peut devenir hypersensible à la douleur ou avoir la nausée lorsqu’elle est rassasiée. Résultat : elle préfère ne pas manger.

En plus d’avoir de la difficulté à savoir quand il a faim, Ben ne sait pas toujours quand il a mal. Ben n’hésite pas à appuyer sur une plaie ou à la gratter. Ben est un garçon actif; sa famille a peur qu’il se blesse en jouant et qu’il n’en parle pas, parce qu’il ne le saura pas. 

Gabriella est une jeune fille de 13 ans qui aime porter des tricots parce qu’ils sont épais et réconfortants, mais elle ne sait pas quand il fait trop chaud pour les porter. Elle s’expose donc à des coups de chaleur pendant l’été.

Exemples de réactions intéroceptives extrêmes

Bien que certaines personnes autistes passent d’hyperréactives à hyporéactives lorsqu’il s’agit de traiter les informations sensorielles intéroceptives, plusieurs ont tendance à rester en deçà ou au-delà de leur état d’éveil et d’attention optimal lorsqu’il s’agit de certaines fonctions corporelles.  Malheureusement, un système sensoriel intéroceptif qui se trouve constamment en hyperréactivité ou en hyporéactivité peut avoir des conséquences à long terme sur la santé d’une personne. Par exemple, quelqu’un comme Ben qui est incapable de reconnaître quand il a faim peut finir par être trop maigre ou souffrir de malnutrition.

Comportements révélant une hyperréactivité intéroceptiveComportements révélant une hyporéactivité intéroceptive
  • Éviter d’aller dehors dans certaines conditions météorologiques
  • Aller fréquemment à la toilette pour éviter d’avoir la vessie pleine
  • Boire de l’eau en quantité excessive pour éviter d’avoir soif
  • Ne pas retirer des vêtements chauds même s’ils causent une transpiration abondante
  • Accidents fréquents par manque de réaction à une vessie pleine
  • Tolérance extrême à la douleur, ne pas réagir aux blessures

Comme le décrivent ces exemples, certains comportements sont totalement contraires et facilement identifiables comme étant le résultat d’un traitement sensoriel hyperréactif ou hyporéactif (par exemple, la capacité à savoir quand sa vessie est pleine). Pour d’autres comportements, cependant, il est difficile de savoir quel aspect du système intéroceptif est à l’origine du problème. Par exemple, la personne évite-t-elle de manger parce qu’elle n’aime pas la sensation de satiété (hyperréactivité) ou parce qu’elle ne détecte pas les signaux de faim (hyporéactivité)? Si la personne autiste est incapable d’expliquer pourquoi elle adopte certains comportements, il serait bon d’observer ses changements de comportements (p. ex., quand la personne décide de manger par elle-même) et de noter les circonstances.

Problèmes d’autorégulation : Une personne qui est incapable de percevoir quand son cœur bat très vite ou quand ses muscles sont tendus risque de ne pas être capable de reconnaître qu’une situation donnée est anxiogène pour elle. Il lui est donc encore plus difficile de détecter un problème et d’adopter une stratégie d’autorégulation qui préviendrait une crise.

Les parents de Ben planifient les repas et les collations, car Ben préfère manger à des heures régulières. Lorsqu’ils font des sorties, ils apportent toujours des collations pour Ben. La famille de Ben surveille la guérison de ses blessures. Ben visite régulièrement son médecin. Sa famille prend soin de dire au médecin que Ben ne réagit pas toujours à la douleur.

Les parents de Gabriella s’assurent qu’elle a toujours une bouteille d’eau à sa disposition, qu’elle boit beaucoup en été pour se rafraîchir et qu’elle reste à l’intérieur au plus chaud de la journée. Pour ne pas avoir trop chaud, Gabriella achète des t-shirts épais et des chandails dont les manches sont amovibles.

 

Particularités sensorielles vestibulaires (équilibre)

Le système vestibulaire participe à la perception du mouvement et de l’équilibre. Son principal organe se trouve dans l’oreille interne. Pencher la tête fournit au cerveau des informations sur l’endroit où se trouve le corps par rapport à la force de gravité. Ce système puise également de l’information des systèmes visuel et proprioceptif qui, ensemble, favorisent la coordination, le maintien d’une bonne posture et la motricité, comme la capacité de grimper ou de sauter.

Chez de nombreuses personnes autistes, le système vestibulaire ne reçoit pas assez d’informations. Avoir de la difficulté à s’asseoir droit, foncer dans des objets ou avoir constamment besoin de bouger sont des signes que la personne ne reçoit pas suffisamment d’informations sensorielles de son système vestibulaire.

Le contraire est également possible : chez certaines personnes autistes, le système vestibulaire fournit trop d’informations. Ces personnes évitent les activités où leurs pieds ne touchent plus le sol, comme sauter ou se balancer, ou certains moyens de transport, car elles sont enclines au mal des transports.

Yousef est un garçon de 4 ans qui aime sauter et tourner, particulièrement lorsqu’il est heureux ou excité. Pour Yousef, sauter et tourner est un moyen amusant d’exprimer ses émotions qui sont parfois trop difficiles à contenir. Il aime sentir son corps en mouvement, c’est pourquoi il grimpe sur le mobilier à la maison et à l’école.

Exemples de réactions vestibulaires extrêmes

Les jeunes enfants autistes sont souvent décrits comme étant soit prudents, soit téméraires dans leurs mouvements corporels. Certains hésitent à faire de grands mouvements et préfèrent tenir les mains courantes ou se tenir contre les murs lorsqu’ils marchent. D’autres n’ont peur de rien; ils peuvent sauter de très haut sans craindre de se blesser. Cette tendance à alterner entre recherche sensorielle et évitement sensoriel peut changer au fil du temps, mais généralement, les comportements les plus extrêmes se produisent au cours de la petite enfance. 

Comportements révélant une hyperréactivité vestibulaireComportements révélant une hyporéactivité vestibulaire
  • Refuser d’utiliser une balançoire ou une majorité de modules de jeux
  • Souffrir rapidement et régulièrement du mal des transports
  • Avoir de la difficulté à changer de directions rapidement en marchant
  • Pouvoir tourner longtemps en rond sans s’étourdir
  • Aimer grimper et sauter sans avoir peur de se blesser
  • Se bercer souvent d’avant en arrière, avoir du mal à rester immobile

En général, les personnes qui recherchent une stimulation vestibulaire bougent le plus possible. Elles aiment la sensation des grands mouvements rapides (comme sauter ou tomber de haut). Celles qui tentent d’éviter les stimulations vestibulaires tendent à bouger lentement, particulièrement sur les surfaces inégales. Se balancer d’avant en arrière, par exemple, peut être perçu comme une recherche sensorielle résultant d’une hyporéactivité du système vestibulaire. Or, les personnes autistes peuvent aussi se bercer pour se calmer lorsqu’elles sont submergées d’informations sensorielles, car les mouvements répétitifs linéaires peuvent être apaisants.  Pour savoir si une personne se berce parce qu’elle est excessivement ou insuffisamment stimulée, il est important d’examiner le contexte de la situation. Lorsque la personne autiste est incapable d’exprimer pourquoi elle cherche ou évite les stimulations du système vestibulaire, il est bon de noter ce qui se passe avant, pendant et après le comportement.

Problèmes avec les mouvements : Que la personne soit à la recherche de stimuli pour son système vestibulaire ou qu’elle préfère les éviter, toute situation extrême peut nuire à sa capacité de bouger d’une manière fluide et coordonnée. Lorsque la perte d’équilibre survient parce que le système vestibulaire reçoit trop ou trop peu d’informations, il peut être difficile pour le cerveau de rester cohérent, ce qui génère de l’anxiété.

La famille de Yousef a acheté une petite trampoline intérieure sur laquelle Yousef peut sauter au lieu de sauter sur le mobilier. À la maison et à la garderie, Yousef s’assoit sur un coussin adapté; il peut ainsi bouger tout en restant assis. Il est maintenant inscrit à un cours de gymnastique pour tout-petits, ce qui lui permet d’être actif en compagnie d’autres enfants.

 

Particularités sensorielles proprioceptives (conscience corporelle)

Le système sensoriel proprioceptif tire ses informations des muscles, des articulations et de la peau pendant l’exécution des mouvements afin de situer chaque membre par rapport au reste du corps.  On le décrit souvent comme la capacité de « situer son corps dans l’espace ».

Un système proprioceptif fonctionnel permet à une personne de mettre un sac sur son dos ou d’enfiler des vêtements sans avoir à regarder ses membres. La proprioception permet aussi aux gens de contrôler la force avec laquelle ils tiennent un objet. Par exemple, savoir quelle pression exercer sur un crayon pour écrire ou avec quelle force lancer une balle.

En plus de nous indiquer où se trouve notre corps lorsqu’il bouge, la proprioception nous renseigne sur le monde qui nous entoure. Le système proprioceptif nous donne l’information dont nous avons besoin lorsqu’on marche sur une surface dure, comme du pavé, ou moelleuse, comme du gazon, même si on porte des chaussures. Il nous aide aussi à garder l’équilibre en mouvement grâce aux informations qu’il reçoit du système vestibulaire.

Ben préfère les gros câlins et les touchers fermes.  Ces contacts l’aident à garder les deux pieds sur terre et à situer son corps dans l’espace. Ben fonce souvent dans les objets. Mettre un manteau n’est pas facile pour lui.

Exemples de réactions proprioceptives extrêmes

Il n’est pas courant chez les personnes autistes d’être submergées d’informations proprioceptives. C’est logique, puisqu’on n’en sait jamais trop sur l’emplacement de son corps et ce qui se passe autour de lui. En fait, des activités comme la méditation pleine conscience ou le yoga permettent justement de prendre conscience de son corps dans le moment présent. Être conscient de son corps est généralement considéré comme étant bon pour l’intelligence, en plus d’être une source de relaxation.

Comportements révélant une hyperréactivité proprioceptiveComportements révélant une hyporéactivité proprioceptive
  • On n’a jamais trop d’informations proprioceptives.
  • Besoin de regarder ses bras lorsqu’on met un manteau
  • Aimer taper fort dans la main d’une autre personne (« high-five »)
  • S’avachir à son bureau ou tomber de sa chaise

Majoritairement, chez les personnes autistes, les réactions proprioceptives sont dues à une recherche sensorielle supplémentaire, et non le contraire. La recherche de stimulation sensorielle est courante; elle implique parfois le recours à d’autres systèmes sensoriels. Par exemple, les gens qui ont de la difficulté à situer leur corps et à bouger certains membres chercheront à obtenir plus d’informations sensorielles. Les gestes excessifs, comme taper du pied, fournissent d’autres renseignements qui permettent au corps de savoir où il se situe par rapport à ce qui l’entoure.

Problèmes avec les pressions : De nombreuses personnes autistes préfèrent d’autres formes de pression, que ce soit en portant des vêtements plus lourds ou en pratiquant des activités physiques qui exigent un effort musculaire. Ces personnes ne reçoivent pas l’information sensorielle dont elles ont besoin, elles adoptent donc des comportements qui les aident à retrouver leur état d’éveil et d’attention optimal. Lorsqu’elles n’ont pas la possibilité de pratiquer une activité de recherche sensorielle, elles peuvent se sentir déconnectées de leur corps, ce qui génère de l’anxiété.

Ben a demandé à un proche de confiance de lui faire un gros câlin pour l’aider à s’ancrer dans le réel. La famille de Ben a organisé la maison de façon à ce que Ben ait amplement d’espace pour bouger. Elle a posé un miroir à l’entrée pour aider Ben à mettre son manteau.

 

Particularités multisensorielles

Chez les personnes présentant un TSA, les informations sensorielles ne sont pas toujours traitées ou combinées dans le cerveau de la même manière. L’expression « intégration multisensorielle » désigne la perception simultanée d’au moins deux sens lors d’une même expérience. Par exemple, lorsqu’une personne parle, nous combinons les informations visuelles – les mouvements des lèvres – au son des mots. Dans certaines situations, comme dans un café bondé, il peut être utile de se concentrer davantage sur ce que l’on voit – les lèvres de l’interlocuteur – que sur ce que l’on entend.

Mais qu’arrive-t-il si ces informations ne sont pas combinées correctement? Si vous regardez une vidéo et que le son n’est pas synchrone avec l’image, vous vous en apercevrez et ce problème vous irritera. À cause de cet asynchronisme, il est difficile de se concentrer sur l’image; de nombreux auditeurs préféreront changer de chaîne ou recharger la vidéo.

Des recherches ont démontré que certaines personnes autistes n’intègrent pas toujours les informations visuelles et auditives par leurs systèmes sensoriels. En effet, les mots qu’elles entendent ne correspondent pas à ce qu’elles voient. C’est alors beaucoup plus déroutant pour elles de regarder et d’écouter quelqu’un simultanément. Voilà ce qui explique leur tendance à détourner leur regard des gens qui parlent : pour elles, la présence de deux sources d’informations est plus nuisible qu’utile. 

Exemples de problèmes d’intégration multisensorielle

Il est parfois difficile de savoir si certains comportements découlent d’un problème unisensoriel ou d’une dysfonction de l’intégration multisensorielle. Par exemple, la personne a-t-elle fréquemment la nausée parce qu’elle réagit aux odeurs fortes (odorat) ou parce qu’elle a un problème d’équilibre (système vestibulaire)? Ou encore, se sent-elle nauséeuse seulement lorsqu’elle se trouve dans un véhicule où flottent des odeurs fortes (particularité multisensorielle)? Une personne se sent-elle mal dans une foule parce qu’elle voit trop de gens qui bougent en même temps (vue), parce qu’elle entend beaucoup de bruit simultanément (ouïe), ou parce que les gens la bousculent en passant près d’elle (toucher)? Se sent-elle mal seulement lorsque ces trois informations sensorielles sont réunies au même moment? Pour discerner la source de la réaction, il est bon d’examiner comment la personne réagit lorsqu’un seul de ces sens est mis à l’épreuve. Par exemple, la personne aura-t-elle une réaction forte si elle se tient tout près d’un lieu bondé en portant un casque antibruit? Si elle n’en a pas, c’est probablement parce que le problème ne vient pas des informations visuelles. Avec du temps et une bonne observation, il est possible de déterminer les causes de ses réactions.

 

Problèmes d’anxiété et particularités sensorielles

Chaque système sensoriel présenté dans cette trousse sous forme d'exemples en gras qui décrivent le lien entre les problèmes de traitement sensoriel et l’anxiété.  Pour bien des personnes autistes aux prises avec des problèmes d’intégration sensorielle, les situations nécessitant un traitement simultané d’informations multisensorielles peuvent aggraver l’anxiété. Par exemple, si une personne réagit fortement aux surcharges d’informations visuelles et aux odeurs fortes, se trouver dans une aire de restauration peut être plus anxiogène qu’une autre situation où il est possible de traiter les informations sensorielles séparément. 

Comme mentionné dans la section sur le système sensoriel, les personnes qui ont de la difficulté à reconnaître les signaux provenant de l’intérieur de leur corps (comme une augmentation de rythme cardiaque, une tension musculaire ou des maux d’estomac) risquent de ne pas s’apercevoir qu’elle devienne anxieuse. Il sera donc plus difficile pour elles de fuir une situation à temps, avant que l’anxiété atteigne un seuil critique et qu’une crise s’ensuive.

Heureusement, il est possible d’améliorer la conscience sensorielle du système intéroceptif et de développer des moyens d’atténuer les symptômes d’anxiété avant qu’ils ne deviennent envahissants. Pour obtenir plus de renseignements, consultez la trousse « Autorégulation ».

 

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