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Prendre la voie du rétablissement à mesure que les restrictions liées à la pandémie de COVID-19 s’assouplissent : Quelques idées à l’intention des parents d’enfants et de jeunes autistes et/ou ayant une déficience intellectuelle

Trevor Buttery | Université de Calgary
Si l’épidémie de COVID-19 a présenté des enjeux considérables et engendré un stress extraordinaire, le rétablissement après la pandémie pourrait, lui aussi, soulever des difficultés supplémentaires nécessitant une approche mûrement réfléchie. L’histoire qui suit parle de l’adaptation d’un jeune à l’assouplissement des mesures liées à la pandémie. Ce récit et la trousse à outils qui suit vous fourniront des idées et des conseils pour faire face lors de la période de reprise après la pandémie.

Voici Ronell

            Ronell a 15 ans. Il a reçu un diagnostic de trouble du spectre de l’autisme (TSA) alors qu’il était à l’école primaire. Il adore jouer à l’extérieur et ramasser des bouteilles dans les parcs. En ce moment, il apprend à faire le poirier sur les mains. Ronell vit avec son frère aîné, Nate, et sa mère, Beth, dans une grande ville canadienne. Pendant une partie de la période d’isolement social causée par la COVID-19, Ronell n’a pas pu assister à ses cours en personne ni à ses leçons de natation, qu’il aimait tous les deux. Cette transition a été difficile pour lui, mais sa mère et son frère lui ont expliqué, d’une manière qu’il pouvait comprendre, que la situation n’était pas sûre parce qu’il pouvait tomber malade. Les nouvelles à la télévision ont effrayé Ronell, surtout quand on y voyait des photos de personnes malades dans les hôpitaux ou qu’il y était question de la mort.

            À l’annonce de la réouverture des services, des entreprises et des écoles, Ronell a été ravi à l’idée de pouvoir retourner en classe et revoir ses amis, mais il craignait de tomber malade. Une fois le premier jour de classe arrivé, le comportementde Ronell a changé de façon notable. Il a refusé de s’habiller, de prendre son petit-déjeuner ou de s’approcher de la porte. Ronell ne pouvait pas verbaliser l’anxiété ou la peur qu’il éprouvait à l’idée de retourner à l’école, mais Beth a reconnu que ses comportements étaient liés à ce qu’il ressentait. Beth aurait bien voulu lui promettre qu’il ne tomberait pas malade et que tout était revenu à la normale, mais elle ne se sentait pas à l’aise à cette idée, car elle avait lu attentivement les bulletins d’information de leur province indiquant que de nouveaux cas continuaient d’être signalés et qu’une future vague de COVID-19 pourrait nécessiter de nouvelles mesures de distanciation sociale, entre autres. De plus, certaines entreprises ne prévoyaient pas de rouvrir avant une date ultérieure. À la place, elle a donc invité toute la famille à visionner une vidéo que les représentants de la santé avaient réalisée sur le déploiement du vaccin et la réouverture progressive des entreprises et d’autres pans de la société. Ensuite, ils ont discuté ensemble de ce que tout cela signifiait pour eux. D’après le plan gouvernemental, Nate et Ronell devaient retourner à l’école et Beth allait retourner au travail. Pendant une semaine, Ronell a continué à poser les mêmes questions pour savoir si l’on pouvait aller à tel ou tel endroit en toute sécurité. Pendant une semaine, Beth a répété les mêmes réponses et a commencé à se demander si Ronell les comprenait. Finalement, Beth s’est mise à poser les mêmes questions à Ronell, et il a trouvé comment y répondre lui-même : Les médecins ont dit que nous pouvions aller au parc à condition de respecter la distanciation sociale. En peu de temps, il a même commencé à rassurer son frère aîné et à dire à sa mère qu’elle pouvait aller au travail sans crainte.

            Une fois que Ronell a dépassé sa crainte de sortir et d’interagir avec les gens, il a commencé à demander ce qu’il pourrait faire pour aider les autres. Beth lui a proposé l’idée d’écrire des petits mots de remerciement aux personnes qui avaient aidé les autres au cours des derniers mois, comme leur médecin de famille et la personne chargée d’assister les enseignants de l’école qui appelait Ronell par vidéo une fois par semaine. Ronell a également eu l’idée de donner à la Croix-Rouge une partie de l’argent qu’il avait recueilli en ramassant des bouteilles, afin qu’il puisse lui aussi aider des personnes en difficulté. Grâce à ces mots de remerciement et à ce don, Ronell s’est senti fier d’avoir pu aider.

 

Reprendre ses habitudes

Au moment de reprendre les habitudes qui vous ont manqué, à vous-même et à votre famille, les enfants et les jeunes autistes ou ayant une déficience intellectuelle peuvent réagir de façons très différentes. Certains peuvent se sentir prêts à aller à la bibliothèque, faire du sport ou voir leurs amis, et la transition sera alors aisée. D’autres jeunes peuvent ressentir de l’appréhension, de l’anxiété et de la peur alors qu’ils continuent à faire face à la pandémie en cours. La réaction de votre enfant sera unique et dépendra de votre situation particulière et de sa capacité à s’adapter aux circonstances. Les recherches suggèrent que la capacité d’une personne à s’adapter au retour à la vie « normale » après une catastrophe est liée à l’ampleur de l’impact direct de la catastrophe sur sa famille (Valenti et coll., 2012). Il se peut qu’une régression et des comportements complexes soient apparus au cours de la pandémie. Continuez à essayer de comprendre les fonctions des comportements de votre enfant afin que vous et les autres puissiez faire face à ces défis de manière proactive. Posez-vous les questions suivantes :

  • Qu’est-ce que mon enfant cherche à communiquer lorsqu’il adopte des comportements difficiles?
  • Est-il/elle inquiet/inquiète? Peut-être ressent-il/elle de l’anxiété?
  • Se sent-il/elle « perdu(e) » après de longues journées moins structurées? Ou peut-être est-il/elle inquiet/inquiète du retour à la vie quotidienne, ou encore préoccupé(e) par le risque potentiel d’attraper la COVID-19 au moment de réintégrer la communauté?

Il vous faudra peut-être du temps pour faire face à l’anxiété de votre enfant. Rappelez-vous qu’il/elle ne manifeste pas ces comportements dans le but de vous contrarier, mais probablement pour de multiples raisons qui peuvent inclure l’inquiétude, la difficulté à gérer ce qui se passe autour de lui/d’elle ou l’incertitude entourant la situation. Prenez le temps d’essayer de comprendre la source de leur inquiétude et réfléchissez à la manière dont cela pourrait être abordé, ou aux types de soutien qui pourraient être utiles. 

Si vous et/ou votre enfant vous sentez submergés par tout ce qui s’est passé et se passe encore, peut-être qu’un professionnel de votre communauté sera disponible pour vous écouter et vous proposer de pistes qui vous aideront à avancer. Vous pouvez contacter l’organisme pour l’autisme ou les personnes ayant une déficience intellectuelle le plus proche de chez vous, ou bien consulter les ressources disponibles sur le site Internet d’AIDE Canada. Plus loin dans cette trousse à outils, vous trouverez une liste de ressources en santé mentale qui peut s’avérer utile.

Face à tout changement et à tous les défis posés par notre époque, soyez attentif à la façon dont votre enfant réagit. Chez les enfants et les jeunes, l’anxiété, la tristesse, les problèmes liés au sommeil et à l’alimentation, les difficultés de concentration, ainsi que la régression développementale et sociale constituent des réactions d’ajustement courantes face aux catastrophes. (New York University Child Study Center, 2006). Si votre enfant se sent submergé ou traverse une période très difficile, il peut être utile d’en discuter avec votre prestataire de services ou votre médecin de famille.

Les personnes autistes ou ayant une déficience intellectuelle possèdent différents niveaux de compréhension; il peut être plus ou moins difficile pour elles d’assimiler les informations sur la pandémie et les précautions qui en ont découlé. Devoir leur expliquer maintenant que le monde est en train de revenir à une « nouvelle normalité » peut paraître difficile à surmonter. Si votre enfant ressemble à Ronell, il aura besoin d’un certain temps pour comprendre ce changement et/ou s’y adapter; prenez donc votre temps lors de cette transition. Il n’est pas nécessaire que cela se produise d’un seul coup; au lieu de cela, réintroduisez lentement, pas à pas, les éléments de votre routine habituelle. Vous pouvez vous servir d’outils comme des images, des récits d’apprentissage ou toute autre expérience que vous avez acquise et qui correspond le mieux à votre enfant (Autism Speaks, n.d. [non daté]).

Certaines personnes autistes réfléchissent parfois aux choses de façon très concrète, par exemple lorsqu’ils pensent à la COVID-19, à la distanciation sociale et aux autres mesures obligatoires. Il peut être utile de les aider à comprendre que les règles ont maintenant changé et qu’elles vont probablement continuer de changer.


Apporter un soutien tout en traitant l’information

            Si votre enfant est curieux et avide de connaissances, ou d’une nature inquiète, mais interrogatrice, il y a de fortes chances que vous vous retrouviez confronté(e) à beaucoup de questions. Elles peuvent aller de « Quand est-ce que la piscine va rouvrir? » à « Est-ce que tu peux me promettre que nous ne tomberons pas malades si nous allons dans des lieux publics? »  Il peut être utile de se montrer honnête, sans toutefois accabler votre enfant avec trop de nouvelles difficiles, ou bien de lui communiquer ces nouvelles de façon progressive, par paliers. Il est conseillé aux parents ou à tout autre adulte de confiance de faire preuve de transparence quant aux réalités auxquelles leur enfant est confronté. Si vous ne connaissez pas la réponse à une question, nous vous suggérons d’admettre, en toute honnêteté, que vous ne savez pas. Vous pourriez ensuite commencer à chercher la réponse. Par exemple, vous pouvez noter des questions à poser la prochaine fois que vous consulterez votre prestataire de soins de santé, ou bien faire vous-mêmes des recherches sur le sujet. Sachez néanmoins que tous les renseignements trouvés sur Internet ne seront pas nécessairement utiles ou fiables; aussi limitez-vous à des sources fiables.

 

La consommation de médias

Beaucoup d’entre nous sont inondés de nouvelles liées à la COVID-19. N’oubliez pas que les informations sont un média créé par des adultes et destiné à être consulté par des adultes. Les jeunes en général peuvent avoir du mal à déchiffrer les médias, et certains jeunes autistes ou ayant une déficience intellectuelle peuvent faire face à des obstacles supplémentaires qui les empêchent de comprendre et de gérer la nature des nouvelles, de faire la différence entre un danger passé et un danger présent ou de mettre les avertissements en perspective (New York University Child Study Center, 2006). Les images d’hôpitaux occupés et de rues vides filmées au plus fort de la pandémie peuvent effrayer votre enfant et lui faire croire qu’il y existe toujours un danger si on va à l’école ou si l’on pratique notre activité favorite.

La rapidité à laquelle les services seront rouverts, ainsi que les modalités de leur réouverture, dépendra fortement des différentes régions; veillez donc à chercher des renseignements spécifiques à votre situation et à la région où vous vous trouvez. Même si le gouvernement fédéral peut fournir des informations générales et nationales sur la gestion de la COVID-19, il est probable que les nouvelles les plus pertinentes pour votre vie quotidienne proviennent de sources provinciales/territoriales et/ou d’autres sources plus locales. Les informations utiles destinées aux personnes vivant dans une grande ville, par exemple, peuvent être très différentes de celles qui sont transmises dans une communauté rurale.

De nombreuses prévisions de mauvaises nouvelles circulent et apportent leur lot d’inquiétude, pour vous comme pour votre enfant. En restant attentif(ve) aux sentiments de votre enfant concernant le retour au sein de la communauté et à ses connaissances sur la COVID-19, vous pourrez rectifier les idées fausses qu’il ou elle peut avoir. Quelles informations aideraient votre enfant à se sentir plus en sécurité ou à retrouver des « repères » au milieu de ces circonstances changeantes? Une mère a choisi de noter chaque jour des « bonnes nouvelles » avec son fils tout en suivant, par écrit, le nombre total de personnes dans le monde qui ont guéri de la COVID-19. Ce petit « extrait » de nouvelles positives a permis de rappeler quotidiennement à son fils que les choses allaient en s’améliorant. Si les enfants ou les jeunes se sentent accablés, si leur inquiétude persiste ou empire, leur proposer des distractions enrichissantes peut alors être une bonne idée. Posez-vous les questions suivantes :

  • Quelles activités ou quelles approches ont aidé à apaiser votre enfant par le passé lorsqu’il/elle s’est senti(e) bouleversé(e)?
  • L’une de ces activités ou approches apaisantes qui ont déjà fonctionné auparavant pourrait-elle lui servir maintenant?

Essayez d’être proactif en anticipant ce dont votre enfant aura besoin pour pouvoir mieux comprendre et gérer ce qu’il/elle traverse. Vous connaissez probablement votre enfant mieux que quiconque; vous savez donc peut-être comment il/elle réagit habituellement face à l’incertitude et à l’anxiété. En cette période de changement, il semble particulièrement important d’être attentif aux signes de détresse, d’anxiété, d’agitation et/ou à de tristesse chez votre enfant. Au besoin, contactez une ressource en santé mentale de votre communauté. Voici plusieurs indications qui vous permettront de trouver des services de santé mentale; d’autres organisations qui peuvent vous soutenir existent peut-être aussi dans votre communauté :

  • Jeunesse, J’écoute : Un service national 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 qui propose des ressources en français et en anglais, y compris des services de consultation, des aiguillages vers des services spécialisés et des renseignements. Vous pouvez contacter un conseiller par téléphone au 1 800 668-6868 ou vous rendre sur https://jeunessejecoute.ca/ pour obtenir plus de renseignements.

     

  • Association canadienne pour la santé mentale : L’ACSM propose une série de services de santé mentale et dispose de bureaux partout dans le pays. Les services proposés peuvent inclure les services de crise et d’orientation. Les coordonnées et les adresses des bureaux sont accessibles sur le site https://cmha.ca/fr/trouvez-votre-acsm-locale

     

  • 211 Canada : Géré par United Way Centraide Canada, le 211 fournit des renseignements sur la santé et les services sociaux dans toutes les régions du pays. Composez le 2-1-1 ou rendez-vous sur https://211.ca/fr/ pour obtenir plus de renseignements.

 

Les contributions à la communauté

            L’une des façons possibles de reprendre une vie « normale » est de donner aux enfants et aux jeunes l’occasion de contribuer activement à la communauté, mais aussi de remercier celles et ceux qui ont travaillé très dur pendant la pandémie. Parmi les exemples de ce type d’actions, on peut citer la rédaction de mots de remerciement à des personnes dont ils savent que le travail a été essentiel, ou l’aide à des collectes de fonds pour une organisation à but non lucratif qui pourra aider d’autres personnes dans le besoin. Le National Traumatic Child Stress Network (n.d.) recommande ce type d’actions positives et encourageantes comme un moyen de faire face et de se remettre après une catastrophe. Profitez d’un travail avec votre enfant sur un projet caritatif pour discuter de ce qu’il/elle ressent et lui demander ce qu’il/elle pense que les personnes qui recevront son soutien ressentiront.

Conseil : Les médecins, infirmières et autres prestataires de services sociaux et de soins de santé ont été salués en cette période où nous avons eu besoin de leur expertise, et c’est vraiment mérité! Cependant, n’oubliez pas d’inclure sur votre liste d’autres personnes qui ont également travaillé sans relâche. Avec votre enfant, pensez à ces personnes et au travail qu’elles ont accompli.

 

Donner l’exemple en prenant soin de soi

Votre enfant écoute ce que vous dites, mais il/elle peut également comprendre des choses d’après la façon dont vous réagissez aux situations. Suivre des routines saines, c’est très bien, mais n’oubliez pas de prendre également soin de votre propre santé émotionnelle et mentale. Si vous avez un réseau d’autres soignants/parents d’enfants avec qui vous partagez des situations similaires, contactez-les, comparez vos idées et vos soutiens : ce sera peut-être une excellente source de renseignements et d’encouragement. Si vous n’êtes pas lié à l’un de ces groupes, vous pouvez contacter votre organisme local ou provincial/territorial de défense des droits des personnes autistes ou ayant des déficiences intellectuelles et demander comment vous mettre en rapport avec ces réseaux de soutien. Il y a beaucoup à apprendre et à partager, ne serait-ce que par le biais d’un groupe Facebook ou d’une discussion vidéo.

 

Envisager l’avenir

La pandémie de COVID-19 a fait naître des réalités difficiles et changeantes. La levée des restrictions peut apporter un soulagement à certains égards, mais également être source de nouvelles situations de stress. Il est fondamental de garder espoir! Il est essentiel que les familles aient accès à des nouvelles actualisées, ainsi qu’à des ressources et à des stratégies pour pouvoir aller de l’avant. Des sources d’information fiables relatives à la COVID-19 existent. Pour obtenir plus de renseignements, les sources suivantes pourront vous être utiles :

 

Références

Autism Speaks. (n.d). Helping a child with autism deal with disaster (en anglais uniquement). https://www.autismspeaks.org/helping-child-autism-deal-disaster

New York University Child Study Center. (2006). Caring for kids after trauma, disaster and death: A guide for parents and professionals (en anglais uniquement). https://www.preventionweb.net/files/1899_VL206101.pdf

The National Child Traumatic Stress Network. (n.d.) Parent guidelines for helping children after a hurricane (en anglais uniquement). https://cbitsprogram.org/_static/cbits/uploads/files//parents_guidelines_talk_children_hurricanes.pdf

Valenti, M., Ciprietti, T., Egidio, C., Gabrielli, D., Masedu, M., Tomassini, F. et Sorge, A. (2012). Adaptive response of children and adolescents with autism to the 2009 earthquake in L’Aquila, Italy. Journal of Autism and Developmental Disorders, 42(6), 954-960. (en anglais uniquement.) 

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