Research Summary

Qu'est-ce qui peut être à l'origine des comportements difficiles dans l'autisme ?

Marina Sarris | Réseau interactif sur l’autisme de l’Institut Kennedy Krieger
Une étude a révélé que les compétences verbales ne constituaient pas un facteur majeur associé aux problèmes comportementaux, mais que ces problèmes peuvent refléter des difficultés d’adaptation. Le lien qui unit la parole, l’adaptation et les comportements est encore à l’étude.

What May Be Behind Challenging Behavior in Autism?

Comme les parents le savent bien, le comportement et la parole sont étroitement liés. Lorsque les tout-petits ont un mauvais comportement, nous leur disons : « dis-le dans tes propres mots ». Lorsqu’ils deviennent plus vieux, nous leur disons de résoudre leurs problèmes en parlant, et non en se disputant.

L’autisme limite souvent les capacités d’une personne à parler ou à s'exprimer par d’autres moyens, ce qui est une source de frustration. Les familles et les professionnels considèrent que les troubles du langage alimentent les comportements difficiles qui sont typiques chez les jeunes autistes : se donner des coups ou frapper les autres, faire des crises de colère, lancer des objets, prendre la fuite, crier ou déranger les autres. Toutefois, une étude sur les jeunes autistes dans les hôpitaux psychiatriques remet en question cette « hypothèse largement admise ». Les chercheurs ont constaté que la capacité de parler n'est pas un facteur qui joue un rôle majeur chez les enfants, adolescents et jeunes adultes autistes qui ont des difficultés comportementales. En revanche, la capacité d'une personne à s’adapter et à faire face aux situations constituait le facteur ayant le plus grand poids1.

UN RÉSULTAT ÉTONNANT

« Bon nombre de personnes ont réagi positivement à l’amélioration des compétences en communication, mais pour certains enfants, cela n'a pas réduit les comportements problématiques autant que je l’aurais souhaité. »
Ces observations sont étonnantes, a indiqué l’auteure principale de l’étude, l’orthophoniste Diane L. Williams, Ph. D. Dans son domaine, « il y avait une profonde conviction selon laquelle "communication égale comportement", et que si nous améliorons les compétences en communication d’une personne, il y aurait diminution de ces problèmes comportementaux », a déclaré la Dre Williams qui dirige le Département des sciences et des troubles de la communication à l’Université d’État de la Pennsylvanie.

Or, de sa propre expérience avec des patients, elle savait qu’apprendre à parler n’éliminait pas les problèmes comportementaux chez toutes les personnes autistes. « Bon nombre de personnes ont réagi positivement à l’amélioration des compétences en communication, mais pour certains enfants, cela n'a pas réduit les comportements problématiques autant que je l’aurais souhaité. »

Son étude portait sur 346 jeunes, âgés de 4 à 20 ans, de l’Autism Inpatient Collection (AIC), une étude en milieu hospitalier aux unités de psychiatrie de six endroits aux États-Unis. Ils avaient tous des problèmes comportementaux et psychologiques suffisamment graves pour nécessiter un séjour à l’hôpital. Ils présentaient toutefois de grandes différences sur d’autres mesures, comme les niveaux de langage et d’intelligence. Près de la moitié des jeunes de l’étude parlait peu ou pas, et l’autre moitié parlait avec aisance. Deux jeunes sur cinq avaient une déficience intellectuelle, et la plupart de ces jeunes avaient aussi un langage limité1.

Dans leur analyse, les chercheurs ont pris en compte l’âge et les résultats de l’intelligence non verbale des jeunes puisque ces facteurs peuvent influencer les comportements problématiques. Malgré leurs différences sur le plan de la communication verbale, les deux groupes – ceux qui pouvaient prononcer des phrases et ceux qui ne pouvaient prononcer que quelques mots – présentaient des niveaux semblables d’irritabilité et de comportements répétitifs, comme frapper des mains ou se balancer. Les jeunes qui pouvaient parler avec aisance, étonnement, avaient davantage de comportements externalisés, c’est-à-dire, de l’agressivité et des crises de colère1.

« Beaucoup de gens croient que l’une des raisons qui expliquent le mauvais comportement de certains enfants est qu’ils ne peuvent pas communiquer, a déclaré le pédopsychiatre Matthew Siegel, chercheur principal pour l’Autisme Inpatient Collection ayant travaillé sur cette étude. C’est peut-être vrai, mais en ce qui concerne les actes de nature agressive, ce n’est pas ce que nous avons constaté. »

PORTER ATTENTION À L’AGRESSIVITÉ CHEZ LES AUTISTES

« L’agressivité, a expliqué Dr Siegel, est un élément important. » En effet. Dans une autre étude, les deux tiers des familles ont déclaré que leur enfant autiste avait démontré de l’agressivité envers des soignants, et près de la moitié ont rapporté de l’agressivité envers des non-soignants. Ces résultats proviennent de la Simons Simplex Collection (SSC), une étude sur les familles qui ont un enfant autiste2. L’étude de la SSC, comme celle impliquant des patients autistes hospitalisés, n’a pas découvert de lien entre l’agressivité et le fait d’avoir un langage ou des compétences en communication plus faibles. L’étude a toutefois révélé un risque plus élevé d’agressivité chez les enfants plus jeunes qui ont un comportement rituel, qui présentent une plus grande résistance au changement et qui s’automutilent plus2.
« Il faut prêter attention à l’agressivité. Nous savons que l’agressivité est la plus grande cause de stress pour les parents », a indiqué le Dr Siegel qui dirige le programme en troubles neurodéveloppementaux à l’Hôpital Spring Harbor dans le Maine.

Lors d’entrevues avec le Réseau interactif sur l’autisme, certains parents ont mentionné être inquiets que l’agressivité et l’automutilation puissent empêcher leur enfant de rester en sécurité, de conserver un emploi ou de vivre de façon autonome ou avec d’autres à l’âge adulte.

L’étude sur les patients autistes hospitalisés n’a pas révélé de transition claire des compétences verbales vers les problèmes comportementaux, et ses auteurs soulignent que les résultats peuvent ne pas s’appliquer aux jeunes ayant moins de défis comportementaux. Toutefois, certains parents et professionnels, ainsi que d’autres études de recherches indiquent qu’il y a un lien entre les compétences verbales plus faibles et les comportements difficiles.

APPRENDRE À COMMUNIQUER PEUT ENTRAÎNER DES CHANGEMENTS

Un enseignant a dit au Réseau interactif sur l’autisme, par message Facebook : « La plupart des élèves de ma classe ne parlent pas, mais j’ai constaté que des progrès comportementaux énormes sont faits lorsque ces élèves sont en mesure de communiquer leurs besoins. Un comportement revêt toujours une fonction, et si l’élève n’est pas en mesure de communiquer avec des mots, il doit s’exprimer d’une autre manière. Certains apprennent que les comportements défiants leur permettent de combler leurs besoins plus rapidement, et cela reste gravé en eux. »

Dre Jennifer Zarcone, analyste principale du comportement à l’Institut Kennedy Krieger, a déclaré avoir constaté un lien entre le langage limité et les problèmes comportementaux. Elle travaille auprès de patients en milieu hospitalier à l’unité neurocomportementale de l’Institut, spécialisée dans le traitement de l’automutilation et des comportements difficiles chez les jeunes autistes présentant des troubles neurodéveloppementaux. « Je suis plus susceptible de rencontrer des enfants ayant plus de difficultés de communication avec plus de problèmes comportementaux », a-t-elle expliqué. Pour contribuer à régler cela, les orthophonistes enseignent aux patients à communiquer à l’aide de systèmes de communication par échange d’images, d’appareils mobiles et de technologies d’assistance, a-t-elle indiqué.

Dre Zarcone a dit qu’elle comprenait pourquoi l’étude AIC a révélé que les jeunes ayant des compétences d’adaptation plus faibles avaient de problèmes comportementaux plus graves. « C’est logique que les scores d’adaptation soient associés aux problèmes comportementaux. Les enfants qui ne peuvent pas faire face à la frustration de se faire dire ‘‘non’’, par exemple, auraient davantage de problèmes comportementaux », a-t-elle expliqué.

Pour évaluer les capacités d’adaptation, les chercheurs ont examiné certains scores de l’échelle de comportement adaptatif Vineland qui déterminent la façon dont une personne fonctionne au quotidien. Parmi d’autres compétences adaptatives, elle mesure les habiletés adaptatives, comme l’habileté d’une personne à suivre des règles, respecter des délais, contrôler ses émotions lorsqu’elle est en colère et s’excuser6.

EXPLORER LE LIEN ENTRE LE LANGAGE ET LES CAPACITÉS D’ADAPTATION

« Elle l’a aidé à traduire en mots ce qu’il ressentait. »

Y a-t-il un lien entre les habiletés verbales et les capacités d’adaptation qui pourraient expliquer pourquoi certaines personnes croient que les progrès en communication verbale sont indissociables des progrès comportementaux?
C’est peut-être parce que certaines interventions qui améliorent la communication peuvent aussi améliorer les capacités d’adaptation d’une personne, et cela expliquerait pourquoi le comportement peut s’améliorer au fur et à mesure que le langage s’améliore, a laissé entendre Dre Williams de l’équipe de recherche. « Si l’amélioration des compétences en communication peut avoir une incidence positive sur le comportement, c’est peut-être parce que le répertoire de capacités d’adaptation de l’enfant s’est élargi », rapportait son article de recherche. Par exemple, une intervention qui enseigne à l’élève comment communiquer avec les autres et gérer ses émotions peut aussi élargir sa capacité à faire face aux frustrations du quotidien. Ces capacités d’adaptation, en retour, peuvent entraîner un comportement plus calme.

Le scénario social (Social Story™), un outil élaboré par l’enseignante Carol Guay en 1990, est un exemple d’intervention basée sur le langage qui pourrait favoriser l’adaptation. Un scénario social est une histoire personnalisée et illustrée qui enseigne à quelqu’un comment prévoir une situation nouvelle ou difficile et y faire face. Un scénario social peut fournir le langage nécessaire à un enfant pour comprendre une situation et adapter son comportement en conséquence, a expliqué la Dre Williams. Le National Standards Project a classé les programmes basés sur les scénarios, y compris les scénarios sociaux, comme « intervention établie » pour les enfants, les adolescents et les jeunes adultes autistes. Cela signifie qu’il y a assez de preuves scientifiques pour dire que ces scénarios fonctionnent7.
Certains parents emploient intuitivement un langage d’une manière qui facilite la compréhension de leur enfant et qui régule leur comportement, a expliqué la Dre Williams. Une fois, elle s’est retrouvée à attendre un ascenseur avec une mère et son garçon autiste de 8 ans. « Le garçon a commencé à courir dans tous les sens, et à toucher des choses, et sa mère lui a dit : “C’est difficile d’attendre l’ascenseur. L’ascenseur arrivera bientôt et, quand il sera là, tu appuieras sur tous les boutons’’ ». Il a arrêté de courir. Elle n’a jamais dit : ‘‘calme-toi’’. Elle n’a jamais dit : ‘‘Arrête ce que tu fais’’. Elle l’a aidé à traduire en mots ce qu’il ressentait. J’étais fascinée par cette interaction. La maman m’a expliqué : ‘‘Je suis sa médiatrice. Il n’arrive pas à mettre des mots sur ses sentiments’’. En faisant cela, elle l’a aidé à se réguler. »
En plus de cibler les compétences en communication, la Dre Williams et le Dr Siegel ont mentionné que les interventions peuvent aussi favoriser l’enseignement de stratégies qui aident les autistes à réguler leurs émotions. « Nous pourrions privilégier l’amélioration des stratégies d’adaptation pour régler le comportement problématique », a expliqué le Dr Siegel.


Références :

  1. Williams, D. L., Siegel, M., Mazefsky, C. A. (2018). Problem behaviors in autism spectrum disorder: Association with verbal ability and adapting/coping skills. Journal of Autism and Developmental Disorders, 48(11), 3668-3677. doi :10.1007/s10803-017-3179-0.
  2. Kanne, S. M. et Mazurek, M. O. (2011). Aggression in children and adolescents with ASD: Prevalence and risk factors. Journal of Autism and Developmental Disorders, 41(7), 926-937. doi :10.1007/s10803-010-1118-4.
  3. Dominick, K. C., Davis, N. O., Lainhart, J., Tager-Flusberg, H. et Folstein, S. (2007). Atypical behaviors in children with autism and children with a history of language impairment. Research in Developmental Disabilities, 28(2), 145-162. doi :10.1016/j.ridd.2006.02.003.
  4. Baghdadli, A., Assouline, B., Sonié, S., Pernon, E., Darrou, C., Michelon, C., Pry, R. (2012). Developmental trajectories of adaptive behaviors from early childhood to adolescence in a cohort of 152 children with autism spectrum disorders. Journal of Autism and Developmental Disorders, 42(7), 1314-1325. doi :10.1007/s10803-011-1357-z
  5. Rattaz, Michelon et Baghdadli (2015). Symptom severity as a risk factor for self‐injurious behaviours in adolescents with autism spectrum disorders. Journal of Intellectual Disability Research, 59(8), 730-741. doi :10.1111/jir.12177
  6. Sparrow, S. S., Cicchetti, D. V., & Saulnier, C. A. (2016). Vineland Adaptive Behavior Scales, Troisième édition (Vineland-3). San Antonio (Texas) : Pearson.
  7. National Autism Center. (2015). Findings and conclusions: National standards project, 2e phase [Fichier PDF]. Tiré de http://www.autismdiagnostics.com/assets/Resources/NSP2.pdf

Reproduit avec la permission de l’Institut Kennedy Krieger, Baltimore (MD), États-Unis. Cette information a été diffusée initialement sur le site Web communautaire du Réseau interactif sur l’autisme à l’adresse IANCommunity.org. Le texte original a été adapté avec autorisation, mais l’Institut Kennedy Krieger n’assume aucune responsabilité concernant les modifications.

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