Une famie regardent un lac ensemble
Research Summary

Les familles sont confrontées à la stigmatisation et à l'isolement des autistes

Marina Sarris | Réseau interactif sur l’autisme de l’Institut Kennedy Krieger
Les familles d’enfants ayant un TSA risquent possiblement de souffrir d’isolement. On a exploré l’expérience des familles. Des changements doivent être apportés aux stéréotypes négatifs et à la stigmatisation dans la société.

FAMILIES FACE AUTISM STIGMA, ISOLATION

​Les parents déclarent que les comportements liés à l’autisme de leur enfant, combinés à la stigmatisation sociale et à l’isolement, rendent leur vie plus difficile, selon une étude du Simons Simplex Collection (SSC).
Dans l’une des plus vastes études en son genre, Ruth L. Fischnach Ph. D. a analysé comment et pourquoi la stigmatisation touche les familles. La stigmatisation survient lorsque des gens se sentent honteux, inférieurs et isolés parce qu’ils sont différents des autres1. Son équipe a interrogé 502 parents du projet de recherche sur l’autisme du SSC au sujet du comportement de leur enfant et de l’expérience de leur famille.
Les chercheurs ont constaté un niveau considérable d’isolement de même qu’un rejet catégorique des enfants et de leurs familles. Plus de 65 % des enfants étaient parfois ou souvent évités par les autres enfants ou écartés des activités. Près de 13 % des enfants subissaient de l’intimidation physique, au moins de temps à autre2.
« Vivre de la stigmatisation peut être extrêmement dommageable pour l’identité personnelle et le bien-être de la personne ayant un TSA [trouble du spectre de l’autisme] et, par conséquent, pour sa famille », a expliqué la Dre Fischbach lors d’un séminaire en ligne sur sa recherche3.

LES INVITATIONS QUI N’ONT JAMAIS ÉTÉ LANCÉES

Dans son étude, 82 % des parents du SSC ont mentionné que leur enfant autiste avait parfois ou souvent de la difficulté à se faire des amis. Leurs compagnons de classe considéraient 76 % des enfants comme « bizarres ou étranges », au moins de temps à autre. En plus de l’intimidation, les parents ont constaté plusieurs problèmes graves qui se produisaient parfois ou souvent : plus du tiers des enfants étaient victimes de moqueries ou d’insultes, et 22 % se faisaient traiter de noms blessants2.
Cet isolement social s’étendait à leur famille. Quarante pour cent des parents ont dit s’être isolés de leurs amis et de leur famille en raison des comportements autistiques de leur enfant. Et 32 % ont indiqué que les autres personnes les excluaient des événements sociaux et des activités.
Près de 80 % des parents ont indiqué que la stigmatisation avait été extrêmement, très ou quelque peu difficile dans leur vie.

L’INTIMIDATION ET LES MOQUERIES

Lillian, une mère qui habite dans une petite ville, a dit que son adolescent autiste se faisait intimider au primaire et au secondaire. « On lui lançait des insultes et on se moquait au sujet de choses auxquelles il était très attaché », comme son intérêt pour les superhéros. « C’est quelque chose qui le blessait énormément. »
La frustration de son fils qui découlait de l’intimidation, et de l’incapacité de l’école à y mettre fin, s’est répercutée dans leur vie familiale. « Au secondaire, le stress de l’intimidation s’est transposé en comportement violent envers son petit frère », a mentionné Lillian.
« Même si l’école secondaire était plus à l’écoute, [devoir] connaître le nom de ses agresseurs était beaucoup lui demander et cela lui en mettait tout de même beaucoup sur les épaules », a-t-elle mentionné.
Toute l’intimidation peut être liée à ses comportements autistiques : son manque de concentration, sa méfiance envers certaines choses, sa fixation obsessionnelle sur Superman et les superhéros, et son comportement asocial en général. Il ne sait pas comment socialiser, et tout ce que nous avons fait n’a pas vraiment aidé. Il avait un ami en sixième année, mais ce dernier a déménagé, et il n’a pas eu d’ami depuis. » Elle a été incapable de lui trouver un groupe social. « Dans cette région, il y a un grand manque de services pour ces enfants », a-t-elle lancé.

LE LIEN ENTRE LE COMPORTEMENT ET LA STIGMATISATION

L’autisme comporte des traits uniques qui ont créé presque la pire situation possible pour la honte et le rejet. Les personnes autistes ressemblent à toutes les autres personnes, mais elles peuvent se comporter de manière très différente de ce à quoi l’on s’attend. Comme l’a écrit le sociologue David Gray, « c’est la combinaison d’un handicap envahissant et la normalité physique apparente qui donne à la stigmatisation vécue par les familles et leur enfant autiste une caractéristique unique4. » Une étude israélienne a révélé que les soignants de personnes autistes ont déclaré ressentir plus de stigmatisation que les soignants de personnes souffrant de handicaps intellectuels ou physiques5,6.
Les éléments autistiques et les comportements perturbateurs d’un enfant ont joué le plus grand rôle dans la fréquence de son rejet par les autres, selon l’étude du SSC2. Ces comportements sont énumérés ci-dessous, allant de la fréquence la plus élevée à la plus faible :
de la difficulté à regarder dans les yeux;
de la frustration lorsque les routines changent;
des comportements répétitifs perceptibles, comme frapper des mains;
 des crises de colère graves;
de l’agressivité ou des menaces envers les autres;
des problèmes de contrôle urinaire ou des intestins;
 la krouomanie.

Comme l’ont soulevé les chercheurs, les témoins réagissent parfois au comportement autistique de manière mal informée. Ils peuvent penser à tort que le comportement difficile d’un enfant est causé par l’inaptitude des parents, un manque dangereux de maîtrise de soi ou une maladie mentale.

À l’aide d’un modèle élaboré par deux sociologues de l’Université de Columbia7, le Dr Fischbach a expliqué le processus qui mène à la stigmatisation de l’autisme3. D’abord, le comportement de l’enfant est jugé différent et associé à des stéréotypes négatifs. L’enfant est ensuite rejeté, isolé, exclu, et il perd son statut social. Au bout du compte, cela mène à la discrimination, a expliqué le Dr Fischbach, professeur de bioéthique à l’Université Columbia à New York.

LUTTER CONTRE LES STÉRÉOTYPES DE L’AUTISME

De nombreux parents ont estimé que certaines personnes ou la plupart d’entre elles nourrissent certains stéréotypes : que les personnes autistes ne sont pas de bons amis et qu’elles sont dangereuses, atteintes d’une maladie mentale ou handicapées intellectuellement2.

Le grand public semble avoir pour la plupart écarté un ancien stéréotype sur l’autisme. Seulement « quelques personnes » croient que les mauvaises pratiques parentales peuvent causer l’autisme, selon 58 % des parents interrogés dans le SSC. La théorie de la « mère réfrigérateur », qui prétendait que l’autisme est causé par une parentalité sans chaleur affective, a été discréditée il y a de cela plusieurs décennies.

L’EXPÉRIENCE DES PROCHES AIDANTS FACE AU TSA

Les familles ont mentionné qu’élever un enfant ayant un TSA n’est pas toujours facile. Près de 18 % ont indiqué que c’était « extrêmement » difficile, 32 % ont indiqué que c’était « très » difficile, et 40 % ont indiqué que c’était « un peu » difficile. En plus d’être stigmatisées, les familles dont l’enfant manifestait le plus de comportements associés à l’autisme ont déclaré avoir éprouvé les plus grandes difficultés2.

Plus de la moitié des parents ont déclaré qu’eux-mêmes ou leur conjoint ou conjointe ont dû réduire leurs heures de travail ou cesser de travailler en raison des besoins en matière de soins de leur enfant autiste. Le projet de recherche du SSC est constitué de 2 756 familles des États-Unis et du Canada qui avaient chacune un enfant autiste au moment de se joindre à l’étude.

Une étude canadienne menée par Nicholas et ses collègues (2016) a sollicité la participation de mères de jeunes autistes pour en apprendre plus sur leurs rôles et leurs expériences de mère. Un total de 85 mères ayant un enfant autiste âgé de moins de 25 ans ont été recrutées dans trois villes canadiennes; toutes les mères s’occupaient des soins primaires et quotidiens de leur enfant ayant un TSA.  Les mères ont énoncé divers rôles et un mélange d’expériences, qui comprennent des obstacles et des plaisirs, comme il est illustré ci-dessous.

Les mères ont décrit un voyage continu dans lequel elles s’orientaient dans les soins pour leur enfant, souvent avec peu d’instructions et de directives des fournisseurs de services. Par conséquent, elles s’en remettaient à leurs propres moyens et à leur ingéniosité pour trouver et coordonner les services requis, mais elles faisaient souvent face à des obstacles liés à l’accès aux services et au financement. Les soins d’un enfant ayant un TSA étaient souvent considérés comme « englobants », et les mères signalaient souvent une imprévisibilité quotidienne. Les mères faisaient état d’épuisement, et certaines expliquaient comment leurs relations, y compris celle avec un conjoint, battaient de l’aile. De plus, les mères indiquaient faire face aux jugements de la population dans les lieux communautaires, habituellement liés aux symptômes comportementaux et aux manifestations du TSA. Certaines mères ont fait état de changements de leurs habitudes de travail, où certaines ont mis fin à leur carrière ou l’ont réorientée vers un domaine plus adapté à la prestation de soins, tandis que d’autres ont déclaré avoir besoin de travailler pour pouvoir payer les services.

Si de nombreuses mères ont mentionné que leurs responsabilités d’aidantes sont accablantes, d’autres ont répondu que ce rôle leur offrait une nouvelle raison d’être. Ces mères ont aussi souligné qu’elles ont établi des relations avec d’autres soignants de l’enfant autiste et qu’une relation plus forte a été cultivée avec leur partenaire. Si certaines mères avaient de la difficulté à articuler leurs manières de redéfinir le succès, d’autres ont acquis une nouvelle compréhension de « ce qui rend la vie meilleure » et ont célébré les gains réalisés. Il a aussi été soulevé qu’élever un enfant ayant un TSA apporte un nouveau regard sur « ce qui est important dans la vie ».

Références :

Goffman, E. (1963). Stigma: Notes on the management of spoiled identity. New York : Simon & Schuster Inc.
Kinnear, S. H., Link, B. G., Ballan, M. S. et Fischbach, R. L. (2015). Understanding the experience of stigma for parents of children with autism spectrum disorder and the role stigma plays in families' lives. Journal of Autism and Developmental Disorders, doi : 10.1007/s10803-015-2637-9. Résumé.
Fischbach, R. L. (2015). Do parents and scientists agree on ASD? Tiré de https://iancommunity.org/webinar-views-parents-and-scientists-about-autism
Gray, D. E. (1993). Perceptions of stigma: The parents of autistic children. Sociology of Health & Illness, 15(1), 102-120. doi : 10.1111/1467-9566.ep11343802
Werner, S. et Shulman, C. (2013). Subjective well-being among family caregivers of individuals with developmental disabilities: The role of affiliate stigma and psychosocial moderating variables. Research in Developmental Disabilities, 34(11), 4103-4114. Résumé.
Werner, S. et Shulman, C. (2015). Does type of disability make a difference in affiliate stigma among family caregivers of individuals with autism, intellectual disability or physical disability? Journal of Intellectual Disability Research , 59(3), 272-283. Résumé.
Link, B. G. et Phelan, J. C. (2001). Conceptualizing stigma. Annual Review of Sociology, 27(1), 363-385. doi : 10.1146/annurev.soc.27.1.363
Nicholas, D.B., Zwaigenbaum, L., Ing., S., MacCulloch, R., Roberts, W., McKeever, P. et McMorris, C.A. (2016). « Live It to Understand It »: The experiences of mothers of children with autism spectrum disorder. Qualitative Health Research, 26(7), 921-934.
Reproduit avec la permission de l’Institut Kennedy Krieger, Baltimore (MD), États-Unis. Cette information a été diffusée initialement sur le site Web communautaire du Réseau interactif sur l’autisme à l’adresse IANCommunity.org. Le texte original a été adapté avec autorisation, mais l’Institut Kennedy Krieger n’assume aucune responsabilité concernant les modifications.

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