Un homme regarde une rue du ville
Research Summary

Améliorer notre compréhension des besoins non-satisfaits chez les adultes vivant avec un handicap développemental

Stephanie Dunn, Krystle Wittevrongel et Jennifer Zwicker | Université McGill, Université de Calgary
Ce résumé de recherche traite d’un sondage qui a révélé que nombreux sont les adultes ayant une déficience développementale sans emploi. Il faut rédiger des politiques à cet égard, notamment en ce qui a trait aux lieux de travail en s’attaquant aux obstacles systémiques, par exemple.

​Improving our Understanding of Unmet Needs among Adults with a Developmental Disability
Jonathan Lai, Stephanie Dunn et Jennifer Zwicker

RÉSUMÉ

D’après les conclusions de l’Enquête canadienne sur l’incapacité 2012, près des deux tiers des adultes ayant une déficience développementale (DD) au Canada sont sans emploi. La participation de ces personnes sur le marché du travail représente seulement la moitié des personnes ayant une déficience, et les chiffres sont encore plus bas concernant les personnes ayant un trouble du spectre de l’autisme (TSA). Trois répondants sur quatre qui ne travaillaient pas au moment de l’enquête ont déclaré que leur déficience avait nui à leur recherche d’emploi. Parmi les obstacles courants, notons l’attitude négative des employeurs, les lieux de travail inadaptés, les modifications inadéquates des tâches, et les besoins insatisfaits en matière de scolarisation et d’activités de la vie quotidienne. La déficience étant citée comme le principal obstacle à l’emploi, il est urgent de mettre en place des politiques visant à accroître la participation durable et significative des personnes souffrant d’une déficience développementale au marché du travail. De nombreux obstacles à l’emploi pourraient disparaître grâce à des politiques axées sur le lieu de travail (comme les programmes de formation professionnelle, les politiques qui favorisent l’accessibilité et l’égalité des chances, la formation des employeurs et l’amélioration des pratiques en milieu de travail) et des politiques plus larges favorisant l’inclusion sociale et la scolarisation.

POURQUOI CETTE QUESTION EST-ELLE IMPORTANTE?

Au Canada, la participation à la population active est la plus faible chez les personnes avec DD comparativement à tout autre handicap, même si beaucoup d’entre elles sont prêtes et aptes à travailler, en plus de vouloir travailler. Celles qui ont un emploi travaillent souvent pour un salaire inférieur au salaire minimum et bénéficient d’une protection minimale de la législation du travail. Au-delà de ces faits élémentaires, on sait peu de choses sur le taux d’emploi chez les personnes ayant une DD au Canada. L’étude derrière ce communiqué a exploré, au moyen des données d’une enquête nationale sur la population, les besoins insatisfaits en matière d’emploi, de scolarisation et de vie quotidienne des personnes présentant deux types de déficience développementale : les TSA et la paralysie cérébrale (PC). (PC; Zwicker, Zaresani et Emery, 2017). La déficience a été citée comme un obstacle majeur à l’emploi pour les personnes qui ne font pas partie de la population active, soulignant l’urgence d’adopter des politiques qui favorisent l’accessibilité et l’égalité des chances, ainsi que l’amélioration des pratiques en milieu de travail et des services d’aide à l’emploi. Les conclusions de l’étude, en plus d’établir qu’il faut améliorer notre compréhension des défis en matière de lieux de travail, de scolarisation et de soutien social auxquels sont confrontés les Canadiens ayant une DD – un groupe largement absent du dialogue politique –, mettent en lumière les facteurs dont il faut tenir compte pour concevoir des politiques efficaces et équitables.

CONTEXTE

Cette étude analyse les données autodéclarées de l’Enquête canadienne sur l’incapacité 2012 (regroupant 45 500 Canadiens ayant une déficience). La classification de la déficience repose sur le cadre de la Classification internationale du fonctionnement de l’Organisation mondiale de la santé qui a été administrée aux personnes qui ont déclaré éprouver des difficultés à cause d’une affection ou d’un problème de santé de longue durée et qui ont été limitées dans leurs activités quotidiennes.
L’étude portait sur des adultes âgés de 15 à 64 ans ayant une DD au Canada, comprenant 16,5 pour cent de tous les adultes ayant une déficience en âge de travailler. Toutes les personnes avec DD ont signalé au moins un type de handicap (p. ex., la mémoire, l’apprentissage ou une déficience mentale, physique ou sensorielle). On dénombrait deux fois plus de cas de DD chez les adultes de moins de 25 ans que dans les groupes plus âgés, et deux fois plus chez les hommes que chez les femmes.

QUE RÉVÈLE CETTE ÉTUDE?

Une plus faible participation au marché du travail chez les personnes avec DD
La participation au marché du travail est 50 pour cent plus faible chez les personnes avec DD que chez les personnes sans déficience; c’est la plus faible de toutes les personnes déficientes. Près des deux tiers des adultes avec DD en âge de travailler étaient sans emploi (et ne cherchaient pas activement du travail) en 2012. Une personne avec DD sur quatre a déclaré avoir une certaine forme d'emploi, alors que sept pour cent étaient au chômage, mais cherchaient activement du travail. Ces taux varient selon le diagnostic; par exemple, les personnes ayant un TSA ont déclaré une participation au marché du travail et des taux d’emploi encore plus faibles (21,5 pour cent et 14,3 pour cent, respectivement).
Les transferts gouvernementaux représentent une importante source de revenus pour la plupart des personnes ayant une DD Parmi ces travailleurs, le nombre d’heures travaillées chaque semaine était considérablement inférieur chez les personnes ayant une DD comparativement aux autres handicaps. Les revenus d’emploi annuels médians des personnes avec PC et TSA étaient respectivement de 1 800 et 2 900 dollars, et de 2 300 dollars pour l’ensemble des personnes ayant une DD. Les revenus totaux médians pour tous les groupes étaient plus élevés – environ 10 000 $ –, les transferts gouvernementaux étant la principale source de revenus pour la plupart des adultes ayant une DD (69,1 pour cent), une PC (59,3 pour cent) et un TSA (63 pour cent), et sensiblement plus élevés que ceux des personnes sans handicap (18,7 pour cent).

Déficiences citées comme principal obstacle à l’emploi Parmi les participants interrogés, près des trois quarts des personnes avec DD et sans emploi ont déclaré que leur condition était un obstacle à l’emploi. Au moins 20 pour cent des personnes qui travaillent ou cherchent activement du travail ont déclaré s’être vu refuser une entrevue, un emploi ou une promotion en raison de leur déficience, les obstacles à l’emploi étant encore plus nombreux chez celles atteintes de PC. Une personne avec DD sur cinq a indiqué qu’elle souhaiterait travailler au cours de la prochaine année si son état s’améliorait, si le lieu de travail changeait ou si une formation complémentaire leur était offerte.

De nombreuses personnes ont déclaré être désavantagées au travail en raison de l’absence de modification des tâches
Les principaux besoins au travail pour les personnes ayant une DD étaient : la modification des lieux (40,3 pour cent), la modification de l’horaire (28,9 pour cent), la modification des tâches (26,1 pour cent) et le soutien humain (17,9 pour cent). Plus des deux tiers des personnes qui avaient besoin de telles modifications ont déclaré que tous les besoins n’étaient pas satisfaits. Les personnes dont le handicap est moins visible ont souvent mentionné que leur employeur n’était pas au courant de leur déficience.

Une aide dans les activités de la vie quotidienne est nécessaire; elle provient souvent de la famille Presque tous les participants ont indiqué qu’ils avaient besoin d’aide dans certains aspects de leur vie quotidienne, en dehors du travail. Le niveau d’insatisfaction des besoins dans le fonctionnement quotidien était élevé chez toutes les personnes ayant une DD, les deux tiers déclarant ne pas avoir reçu d’aide pour au moins un besoin. La famille était le plus souvent nommée comme la principale source de soutien, tandis que les organisations rémunérées et non rémunérées ne satisfaisaient que 20 pour cent des besoins quotidiens.

La scolarisation était sensiblement différente entre les personnes qui ont un TSA et celles atteintes de PC.

La majorité des personnes avec DD ont déclaré que leur handicap influençait leur choix de cours, leur charge de cours et le temps requis pour terminer leurs études. Hormis la charge de travail scolaire, le rejet et l’intimidation étaient également cités comme étant des obstacles à la poursuite des études. La scolarisation différait sensiblement selon la DD. Les deux tiers des personnes ayant un TSA n’avaient pas obtenu leur diplôme d’études secondaires; plus précisément, moins de cinq pour cent d’entre elles l’avaient obtenu. À l’opposé, les personnes ayant une PC affichaient le plus haut taux d’obtention du diplôme d’études secondaires (40,2 pour cent) comparativement aux autres groupes, et le plus haut taux de réussite aux études postsecondaires (33,5 pour cent) comparativement aux personnes ayant une autre forme de DD. Ces constatations peuvent en partie expliquer l’accès aux aides pédagogiques nécessaires pour plus de la moitié des personnes avec DD. Un adulte sur trois atteint de TSA a déclaré avoir au moins un besoin non satisfait à cet égard, alors que la plupart des personnes atteintes de PC reçoivent l’aide nécessaire.

QUELLES SONT LES RÉPERCUSSIONS SUR LES POLITIQUES?

Le faible taux de participation dans la population active chez les adultes ayant une DD et en âge de travailler témoigne des obstacles présents sur le marché du travail et qui doivent faire l’objet de meilleures politiques publiques afin de favoriser l’entrée et le maintien de ces personnes sur le marché du travail. Le gouvernement fédéral travaille à l’élaboration de lois sur l’accessibilité dans le but « d’éliminer les obstacles systémiques à l’égalité des chances ». Pour les différents paliers de compétence et de gouvernements, il s’agit d’une belle occasion de montrer le chemin et de collaborer pour élaborer des politiques qui amélioreront l’accessibilité et l’inclusion des personnes ayant une DD (gouvernement du Canada, 2016). Les efforts visant à accroître la participation de cette population sur le marché du travail devront tenir compte de ses besoins. Comparativement aux autres, les personnes ayant une DD vivent avec leur handicap dès la petite enfance, ce qui signifie que les défis sont présents toute leur vie : dans l’éducation inclusive, dans l’acquisition d’une expérience professionnelle et dans le développement des compétences nécessaires à leur entrée sur le marché du travail (Prince, 2016).

Les politiques qui favorisent la scolarisation, la formation professionnelle, les incitatifs au travail et la socialisation sont susceptibles de compter parmi les moyens les plus efficaces pour soutenir l’entrée sur le marché du travail et la conservation d’emploi chez les personnes ayant une DD (Dudley, Nicholas et Zwicker, 2015). De toute évidence, il est nécessaire de sensibiliser davantage les employeurs et d’encourager l’adaptation des lieux de travail, puisque la moitié de ces travailleurs ont besoin d’au moins un aménagement (à l’horaire, aux tâches ou par soutien humain). Plus généralement, la formation continue, la réadaptation – dont le perfectionnement et les aménagements –, l’aide au placement et la conservation de l’emploi jouent un rôle déterminant dans la réussite professionnelle. Un meilleur accès à ces services de soutien et à la formation favorise le maintien des personnes ayant un TSA ou atteintes de PC dans la population active.

Ce problème de participation ne se résoudra pas si on ne s’attarde qu’au milieu de travail. Les personnes handicapées doivent surmonter des défis de taille bien avant de chercher du travail, malgré des besoins non satisfaits dans le système éducatif (comme le manque de soutien pédagogique), des obstacles à l’inclusion sociale et un manque d’aide généralisé pour les activités quotidiennes (lequel est généralement assuré par la famille). Puisque l’éducation, en plus de jeter les bases de l’emploi à l’âge adulte et de l’autonomie, est l’un des facteurs les plus importants pour trouver du travail, nos conclusions appuient les récentes recommandations politiques mettant l’accent sur le rôle d’un enseignement postsecondaire élargi et, particulièrement pour les personnes ayant un TSA, révèlent la nécessité de l’inclusion scolaire à tous les niveaux (Prince, 2016).

Les politiques qui améliorent l’accès à des postes valorisants et durables sont spécialement importantes pour les jeunes adultes ayant une DD, chez qui le travail et l’autonomie financière figurent parmi les plus importants aspects de leur santé et de leur bien-être. Ces observations mettent en lumière l’importance de planifier la transition des jeunes vers l’âge adulte afin de créer une synergie entre les services de soutien, d’améliorer les taux d’emploi et d’optimiser la participation active dans la communauté (Huang et al., 2013).

Les bienfaits de la vie active dépassant largement la question de l’argent, l’inaction face aux obstacles à l’emploi a des conséquences sociétales à plusieurs égards. Au contraire, l’inclusion par l’emploi bonifie la qualité de vie, le fonctionnement cognitif et le bien-être général des personnes ayant une DD; elle leur donne l’occasion d’être autonomes et stables financièrement, de vivre en autonomie, de faire œuvre utile et d’avoir une meilleure estime de soi.

REMERCIEMENTS

Ce communiqué résume les conclusions principales de l’étude Describing Heterogeneity of Unmet Needs Among Adults with a Developmental Disability : An Examination of the 2012 Canadian Survey on Disability (Zwicker, Zaresani et Emery, 2017).

RÉFÉRENCES

Dudley, Carolyn, David B. Nicholas et Jennifer Zwicker. 2015. What Do We Know About Improving Employment Outcomes for Individuals with Autism Spectrum Disorder? École de recherche en politiques publiques de l’Université de Calgary Paper8 (32).
Gouvernement du Canada. 2016. Consulting with Canadians on Planned Accessibility Legislation. Consulté le 18 septembre 2017. https://www.canada.ca/en/employment-social-development/programs/planned-accessibility-legislation/consultation-legislation.html#h2.1.1
Huang, I-Chun, Jerome J. Holzbauer, Eun-Jeong Lee, Julie Chronister, Fong Chan et John O’Neil. 2013. Vocational Rehabilitation Services and Employment Outcomes for Adults with Cerebral Palsy in the United States. Developmental Medicine & Child Neurology55 (11):1000-1008.
Prince, Michael J. 2016. Inclusive Employment for Canadians with Disabilities: Toward a New Policy Framework and Agenda. Étude de l’IRPP (60):1.
Zwicker, Jennifer, Arezou Zaresani et J.C. Herb Emery. 2017. Describing Heterogeneity of Unmet Needs Among Adults with a Developmental Disability: An Examination of the 2012 Canadian Survey on Disability. Research in Developmental Disabilities65:1-11.

Au sujet des auteurs

Jonathan Lai (Ph. D.) est Health System Impact Fellow au Centre for Innovation in Autism and Intellectual Disabilities (See Things My Way) et chercheur postdoctoral à l’École de physiothérapie et d’ergothérapie de l’Université McGill à Montréal. Ses travaux de recherche portent principalement sur la prestation de services de santé, l’évaluation des systèmes et programmes, et l’application intégrée des connaissances à la politique en faveur des personnes souffrant de handicaps cérébraux. Sa bourse est cofinancée par l’Institut des services et des politiques de la santé des IRSC et par Mitacs.
Stephanie Dunn est associée de recherche de l’équipe de politiques sur la santé à l'institut The School of Public Policy de l’Université de Calgary. Ses travaux de recherche portent notamment sur les handicaps, la santé et la politique sociale.
Jennifer Zwicker est directrice de politiques sur la santé à l'institut The School of Public Policy de l’Université de Calgary et professeure adjointe à la faculté de kinésiologie de l’Université de Calgary. S’intéressant particulièrement aux effets des politiques sanitaires et sociales sur la santé, Dre Zwicker se base sur l’évaluation économique et l’analyse des politiques pour examiner les interventions et guider l’élaboration de politiques encadrant l’affectation de fonds, de services et de soutien aux enfants et aux jeunes présentant des troubles du développement ainsi qu’à leurs familles. Ce travail est soutenu par le Réseau pour la santé du cerveau des enfants, la Sinneave Family Foundation et les IRSC dans le cadre de la Stratégie de recherche axée sur le patient du réseau BRILLEnfant.

AU SUJET DE L'INSTITUT THE SCHOOL OF PUBLIC POLICY

L'institut The School of Public Policy de l’Université de Calgary est devenue une école phare au Canada grâce à sa perspective pratique, globale et ciblée sur l’analyse et la pratique dans les domaines de la politique énergétique et environnementale, de la politique internationale et de la politique économique et sociale. Elle a pour mission de bonifier les services publics, les institutions et le rendement économique du Canada, pour le bien de nos familles, de nos collectivités et de notre pays. Pour ce faire, nous :

  • renforçons les capacités du gouvernement grâce à la formation institutionnelle pour les fonctionnaires par l’entremise de programmes menant ou non à un grade, conférant aux responsables des politiques publiques du Canada l’expertise concrète pour représenter nos intérêts vitaux ici comme ailleurs;
  • améliorons le discours sur les politiques publiques à l’extérieur du gouvernement grâce à des programmes de la haute direction et d’évaluation stratégique, favorisant une meilleure compréhension du fonctionnement des politiques publiques pour les personnes en dehors du secteur public et soutenant les Canadiens ordinaires dans la prise de décision éclairée sur les politiques qui façonneront leur avenir;
  • apportons une perspective mondiale de la recherche sur les politiques publiques par les collaborations internationales, l’éducation et les programmes communautaires, présentant les meilleures pratiques mondiales pour faire pression sur les politiques publiques canadiennes, donnant lieu à des décisions qui profitent à tous à long terme, et non à certaines personnes à court terme.

L'institut The School of Public Policy s’appuie sur des spécialistes de l’industrie et des professionnels, de même que des universitaires, pour mener des recherches dans leurs domaines d’expertise. Faire appel à des spécialistes et à des professionnels rend nos recherches particulièrement pertinentes et applicables. Les auteurs peuvent produire des recherches dans un domaine pour lequel ils ont un intérêt personnel ou professionnel. C’est pourquoi l’École assujettit tous les travaux de recherche à un double examen anonyme par les pairs. Ensuite, lorsque les observations des examinateurs sont prises en compte, le travail est de nouveau révisé par l’un de nos directeurs scientifiques pour s’assurer de l’exactitude et de la validité des analyses de données.
The School of Public Policy de l'Université de Calgary, Campus du centre-ville 906 8e avenue sud-ouest, 5e étage Calgary (Alberta) T2P 1H9 Téléphone : 403-210-3802

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