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Conseils pour les médecins : Comment mieux communiquer avec vos patients autistes

Paige Layle
Les personnes autistes ont des sensibilités, des difficultés et des besoins différents de ceux des autres et de tout le monde. Il est important de connaître, d'accepter et d'accommoder les difficultés que les autistes peuvent rencontrer afin de rendre leur expérience avec vous plus confortable. Cela vous aidera également à évaluer, diagnostiquer et traiter vos patients plus efficacement.

Photo by Bruno Rodrigues on Unsplash

Je pense qu'il est juste de supposer qu'une visite au cabinet du médecin n'est pas quelque chose que la plupart des gens trouvent agréable.

Le stress peut être important, qu'il provienne de l'idée qu'une maladie doit être diagnostiquée, de l'attente des résultats ou du fait de savoir que la visite se terminera par une piqûre dans le bras. Je suis sûr que les médecins connaissent bien les patients qui présentent des signes de stress, mais chaque personne réagit différemment, y compris les personnes autistes.

Les personnes autistes ont des sensibilités, des difficultés et des besoins différents de ceux des autres et de tout le monde. Il est important de connaître, d'accepter et d'accommoder les difficultés que les autistes peuvent rencontrer afin de rendre leur expérience avec vous plus confortable. Cela vous aidera également à évaluer, diagnostiquer et traiter vos patients plus efficacement.

Voici quelques éléments que les médecins doivent savoir et peuvent faire lorsqu'ils traitent des patients autistes.

  1. La première chose qu'un médecin devrait faire, avant même de traiter une personne autiste, est de comprendre et de désapprendre l'ableisme. Le capacitisme est une discrimination en faveur des personnes valides et/ou neurotypiques. Le capacitisme tend à considérer les personnes handicapées comme endommagées ou diminuées et implique qu'elles doivent être réparées. Il est essentiel de désapprendre le capacitisme pour traiter les autistes avec respect. Bon nombre des points ci-dessous décrivent des façons spécifiques de briser les éléments du capacitisme. Mais d'abord, vous pouvez faire une autovérification. Demandez-vous...

    • Est-ce que je me surprends à faire des suppositions sur les patients handicapés que je ne ferais pas sur d'autres patients ? Qu'est-ce qui me pousse à faire ces suppositions, et sont-elles toujours correctes ? Sont-elles utiles ?
    • Y a-t-il une partie de moi qui pense que le handicap est une "mauvaise" chose ? Est-ce que je vois le handicap comme quelque chose qui devrait être changé ou guéris ?
    • Est-ce que je pense ou ressens différemment les personnes handicapées par rapport aux personnes valides et neurotypiques ? Comment ces pensées et sentiments pourraient-ils affecter ma pratique et avoir un impact sur mes patients handicapés ?
    • Mon cabinet s'adapte-t-il aux différents besoins de mes patients handicapés ? Est-ce que je trouve facile d'adapter ma pratique habituelle pour répondre aux besoins d'un patient lorsqu'on me le demande ?


      Le capacitisme est ancré dans la société. En particulier si vous n'êtes pas handicapé, il peut être surprenant d'apprendre à quel point le capacitisme est courant. Désapprendre le capacitisme est un processus. Il faut d'abord accepter que tout le monde puisse apprendre et faire des choses pour devenir moins handicapé.  Voici quelques façons de commencer votre voyage anti-abiliste lorsque vous traitez des personnes autistes.

  2. Veillez à vous adresser directement aux personnes autistes lorsque vous faites référence à elles, surtout si elles sont le patient. Observez-vous lorsque vous parlez avec une personne autiste ; parlez-vous directement à lui, ou parlez-vous à quelqu'un d'autre, comme un parent ou un soignant ? Si vous constatez que vous parlez souvent à l'aidant, réfléchissez aux suppositions que vous avez pu faire sur l'autisme et la personne autiste en face de vous, et demandez-vous si ces suppositions sont utiles et si elles sont fondées sur des faits. Le fait d'être exclu de la conversation et que l'on parle de vous comme si vous n'étiez pas dans la pièce peut donner à n'importe qui le sentiment de ne pas être entendu et d'être mal à l'aise, surtout s'il s'agit de votre rendez-vous chez le médecin. S'adresser directement aux patients autistes peut montrer que vous les respectez, eux et leur autonomie corporelle.

  3. En général, les gens se réfèrent à eux-mêmes en utilisant le même langage qu'ils souhaitent que les autres utilisent. Gardez ceci à l'esprit. Une personne peut utiliser une terminologie que vous n'avez jamais entendue pour se décrire et décrire son identité autistique. Elle peut utiliser un langage que vous avez entendu dire inapproprié. Par exemple, elle peut se désigner comme "une personne autiste" plutôt que comme "une personne avec autisme". L'identité d'une personne doit toujours être respectée, et non corrigée. Les médecins ne sont qu'occasionnellement avec des patients autistes, mais les personnes autistes sont tout le temps avec elles-mêmes, ce qui signifie qu'elles ont probablement eu beaucoup de temps pour réfléchir à leur identité et à la façon dont elles souhaitent que les autres les désignent. Respecter la manière dont une personne s'identifie permet de créer un espace plus accueillant et plus sûr, et d'instaurer la confiance entre le patient et le médecin. (Si cet exemple de langage de l'identité première et de la personne première vous a laissé quelques questions, je vous recommande de vous pencher davantage sur les opinions des personnes handicapées en la matière, et de rechercher pourquoi le langage de la personne première peut ne pas être préféré)

  4. La surréactivité et la sous-réactivité sensorielles sont très courantes chez les personnes autistes. Souvent, le cabinet du médecin n'est pas l'endroit le plus convivial sur le plan sensoriel. Les lumières vives, les gens qui parlent, qui bougent et le bruit du papier froissé sont des choses que les autistes peuvent trouver accablantes. Si un environnement n'est pas adapté à l'autisme, il est plus probable que les autistes devront utiliser leur concentration et leur énergie pour essayer de réguler les systèmes sensoriels. L'environnement non convivial peut rendre les autistes mal à l'aise et agités. Bien sûr, certaines choses dans un environnement stérile ne peuvent pas être changées pour devenir plus conviviales sur le plan sensoriel et parfois ce stress peut être inévitable. Les problèmes sensoriels peuvent expliquer pourquoi les autistes semblent moins loquaces pendant les rendez-vous, ou ont du mal à communiquer en général. Des aménagements et des modifications peuvent réduire l'impact sensoriel, par exemple en programmant les rendez-vous de cette personne à un moment calme de la journée. Le fait d'être aussi convivial que possible sur le plan sensoriel peut faciliter la communication et l'évaluation des besoins de santé. Cela peut signifier : autoriser les stimulations, poser des questions par oui ou par non, disposer d'un moyen de communication alternatif qui n'implique pas la parole. Par exemple, vous pouvez encourager votre patient à secouer la tête ou à utiliser ses propres outils de communication augmentée, au lieu de lui demander de répondre verbalement.

  5. Il est respectueux de toujours demander la permission, ou au moins de donner un avertissement, avant de toucher le corps d'une personne. Le respect de l'autonomie corporelle d'une personne autiste est important, mais il peut aussi atténuer les réactions de défense ou les émotions désagréables qui résultent d'un toucher spontané. Pour que vous et votre patient vous sentiez heureux et en sécurité, il est préférable de communiquer chaque étape du processus. De brèves explications claires de "d'abord ça", puis "ça", et pourquoi vous devez faire "ça" peuvent réduire l'anxiété.

  6. En raison de leur sensibilité sensorielle, les autistes ressentent souvent la douleur différemment. Elles peuvent être hypersensibles ou hyposensibles à la douleur. Cela varie d'une personne à l'autre. Le fait de le savoir peut vous aider à mieux comprendre ce qui se passe. Par exemple, si une personne est hyposensible à la douleur, elle peut ne pas être capable de vous dire "où elle a mal" ou même savoir que quelque chose ne va pas. Dans ce type de situation, le médecin peut avoir besoin de faire plus de tests que d'habitude pour établir un diagnostic (ce qui peut signifier aller au-delà des antécédents et de l'examen physique).

  7. La communication verbale doit être directe, claire et littérale pour éviter les erreurs d'interprétation. Les idiomes et les métaphores ne sont parfois pas reconnus ou compris par les personnes autistes. Communiquez chaque étape avec précision, même si elle semble inutile. Lorsqu'il s'agit de la santé d'une personne, il est préférable de surexpliquer plutôt que de la laisser dans la confusion. Si les choses ne sont pas communiquées clairement, les gens risquent de ne pas suivre les instructions correctement. Il peut être judicieux de demander au patient autiste de vous répéter les instructions. Cela confirme la clarté entre le médecin et le patient.

  8. Les sensibilités sensorielles affectent l'interoception. L'interoception est le sens de l'état interne du corps, à la fois conscient et inconscient. C'est la représentation par le cerveau des sensations du corps telles que la faim, la soif, la douleur et la température interne. Il est particulièrement important de penser aux déclencheurs sensoriels potentiels si le patient a une mauvaise interoception. Une mauvaise interoception peut aller de pair avec un seuil de douleur élevé, mais peut également affecter la capacité d'une personne à être spécifique quant à la cause de la douleur et à sa localisation dans le corps. Le cerveau et le corps d'une personne autiste peuvent parfois sembler déconnectés. Une mauvaise interoception peut signifier que les informations importantes que le corps essaie d'envoyer ne sont pas entendues ou enregistrées. Si une personne autiste a une mauvaise interoception, sa situation peut être plus grave qu'il n'y paraît, car il faut parfois beaucoup de douleur avant qu'elle ne se rende compte qu'il y a un problème. Vous devrez peut-être trouver d'autres moyens de les aider à préciser l'emplacement du problème. Avec une mauvaise interoception, les patients peuvent manquer les signaux de faim, de satiété ou d'évacuation des déchets. Cela peut souvent entraîner des problèmes digestifs. Comprendre les différences d'interoception d'une personne autiste vous aidera à trouver le bon diagnostic.

  9. Ne partez pas du principe que la personne autiste a entendu, suivi, compris et se souviendra de tout ce qui a été dit lors du rendez-vous. Il est utile de noter les informations et les instructions pour votre patient. C'est un bon moyen de s'assurer que rien n'est oublié après le rendez-vous. Parmi les caractéristiques courantes de l'autisme qui peuvent nécessiter des aménagements, citons les difficultés de communication sociale, les problèmes de traitement auditif et/ou une mauvaise mémoire à court terme.  Si une personne est confrontée à de nombreux défis sensoriels, sa mémoire peut être affectée. De même, si une personne est stressée en raison d'un masquage ou de tout autre épuisement mental, elle peut rencontrer des difficultés à se souvenir et à se remémorer des souvenirs à court terme. (Si vous n'êtes pas familier avec l'idée du masquage autistique, vous pouvez consulter des ressources créées par des auto-intervenants sur le sujet, comme cette vidéo : [une conversation sur le masquage avec Kieran Rose]). Le fait de disposer d'instructions dans un format que le patient peut emporter chez lui peut réduire considérablement le stress et contribuer à garantir le respect du traitement.

  10. Les personnes autistes traitent souvent différemment la communication non verbale. Soyez prêt à modifier votre style de communication non verbale lorsque vous travaillez avec un patient autiste. Il se peut qu'il ne vous regarde pas dans les yeux, mais qu'il regarde plutôt ailleurs dans la pièce. Il ne s'agit pas d'un manque de respect, mais simplement d'une partie de ses traits autistiques, et il est probable qu'il vous écoute. Il se peut que votre patient ne soit pas capable de lire vos signaux faciaux et qu'il ne communique pas avec son visage. Les personnes autistes peuvent avoir des expressions faciales qui peuvent vous sembler "incorrectes" dans certaines situations. Ils peuvent sourire quand ils sont tristes, froncer les sourcils quand ils sont excités ou rire quand ils ont mal. L'interprétation de la communication non vocale d'une personne autiste peut être très trompeuse. Elle peut conduire à une analyse incorrecte. Il n'est pas prudent de supposer que les critères neurotypiques et allistes (alliste désigne une personne qui n'est pas autiste) fonctionneront pour une personne autiste.  Soyez conscient que ses expressions faciales peuvent ne pas correspondre à la réalité de la situation.  Une approche centrée sur la personne vous aidera à établir un diagnostic et un plan de traitement.

N'oubliez pas que chaque personne autiste est unique. Les difficultés sensorielles, la tolérance à la douleur et les styles de communication sont variés. Dans l'ensemble, il est très utile de comprendre que chaque patient autiste est un individu. Traitez-le comme tel et gardez ses besoins personnels à l'esprit. Ces conseils sont un bon point de départ pour s'assurer que les autistes sont en sécurité, à l'aise et bien traités lors d'une visite chez le médecin.

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